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Contraception et gynécologie >

Stéréotypie
Toutes les femmes qui accouchent ne crient pas
par Marc Zaffran/Martin WInckler
Article du 13 mars 2012

S’il est bien un stéréotype cinématographique et télévisuel, c’est celui de la parturiente qui hurle pendant son accouchement. Et c’est un stéréotype, pas du tout une réalité systématique.
Quand on a assisté à beaucoup d’accouchements (en plus, en ce qui me concerne, de la naissance de mes six enfants), on le sait : toutes les femmes ne sont pas identiques, tous les accouchements sont différents. Beaucoup de femmes sont tellement concentrées sur les contractions et sur le fait de pousser au moment utile qu’elles n’émettent pas un son. Seulement de grands soupirs quand elles reprennent leur souffle.

On dit souvent que le premier accouchement est le plus difficile. C’est parfois vrai, mais pas toujours. Les femmes qui ont plusieurs enfants ont souvent, à chaque grossesse supplémentaire, des bébés plus gros (surtout s’il s’agit de garçons). Ça ne rend pas la naissance plus facile. Ca ne fait pas crier pour autant...

L’âge n’est pas non plus un facteur déterminant : j’ai vu des adolescentes accoucher de leur premier enfant avec un calme impressionnant ; des femmes de quarante ans mettre au monde dans un mélange de grande douleur et de grand désarroi.

Ce ne sont pas les contractions du travail ou l’expulsion qui font crier. C’est l’angoisse qui détourne l’attention de la femme vers la douleur au lieu de la laisser se concentrer sur ce qui se passe.

La culture, l’origine ethnique, le milieu social, la personnalité - tout cela intervient. Il est des femmes qui trouvent inacceptable de crier pendant leur accouchement. D’autres qui disent, après coup, que les cris de la parturiente de la salle voisine les ont gênées. D’autres encore qui, chaque fois, accouchent avec une facilité déconcertante et se relèvent ensuite comme si elles venaient tout simplement de faire un petit somme pour se reposer. Une de mes amies m’a même raconté en riant qu’elle avait eu un orgasme au moment de son accouchement, ce qui est une éventualité rare, mais que toutes les sage-femmes et tous les obstétriciens connaissent (quand ils écoutent les femmes).

Certaines femmes annulent très bien la douleur du travail ; d’autres souffrent de leurs contractions dès le sixième mois de grossesse. La douleur est régulée par le cerveau. Chaque cerveau est différent.

On me dira que le fait de crier permet de « pousser » plus efficacement. C’est évidemment faux : pour pousser, il faut parfois (ça dépend des femmes) retenir son souffle. Expulser un bébé, ça n’est pas exactement comme retourner une balle au-dessus d’un filet de tennis.

Et tout porte à croire que crier pendant l’accouchement n’a rien de « naturel » : comme c’était encore le cas aux dix-neuvième et vingtième siècle dans certaines tribus d’Afrique du sud, d’Amazonie, mais aussi d’Amérique, il est probable qu’il y a quinze mille ans, les femmes s’isolaient à l’écart pour accoucher seules quand elles ressentaient les premières contractions ou perdaient les eaux entre leur village et un lieu de cueillette ou un point d’eau éloignés. Crier pendant leur accouchement, ç’aurait été le plus sûr moyen d’attirer des prédateurs et de mettre leur vie et celle de leur nouveau-né en danger.

Je comprends très l’usage, à l’écran, du stéréotype de la parturiente qui crie : il est destiné à montrer qu’accoucher, ce n’est pas de la tarte, et à augmenter la tension dramatique dans les scènes de naissance (qui ne surviennent jamais à l’improviste dans les films ou les séries télé, mais toujours à des moments soigneusement choisis par les scénaristes).

Et représenter l’accouchement comme un moment de tension, cela me semble juste : c’est un moment de stress extrême, et l’un de ceux où - même si c’est rare dans les pays industriels - une complication imprévisible et parfois très grave peut se produire.

Mais la télévision et le cinéma ont un impact important sur l’imaginaire et le ressenti des spectateurs. Des scènes aussi émotionnellement chargées que la naissance (y en a-t-il de plus universelle que celle-là ?) ont inévitablement un effet inductif puissant sur les femmes qui n’ont jamais accouché (« Ca fait tellement mal qu’on hurle, je veux une péridurale ! »), sur les hommes qui aimeraient être présents à la naissance de leur enfants (« Je ne veux pas l’entendre crier, je ne veux pas la voir souffrir. ») et sur les soignants qui cherchent à rassurer les uns et les autres - et à former d’autres soignants.

Et que ressentent les femmes, les hommes et les soignants qui ne se reconnaissent pas du tout dans ces séances de hurlements ?

Quand on cherche à représenter la réalité, on se doit de la décrire dans toute sa variété et toutes ses nuances. Ca fait partie de l’éthique de la narration, je crois.

Alors j’aimerais bien, de temps à autre, dans les films et les téléséries, voir un personnage féminin accoucher sans pousser un cri et entendre dire clairement que toutes les femmes qui accouchent ne crient pas.

Ce serait moins caricatural, moins sexiste, moins terroriste.

Et plus juste.

MWZ

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