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Les sorties au restaurant ou dans un bar et le sentiment de nostalgie...
par Suki, du réseau DÉesCAa
Article du 11 mai 2012

Vivre parmi les autres est une expérience fort enrichissante.

Vivre avec les autres l’est encore bien plus...

Mais elle n’est accessible qu’à une majorité dont je n’ai pas l’impression de faire partie.

Je voudrais définir une forme d’émotion qui me tenaille dès qu’on sort de la maison. Dès que nous sortons ensemble dans les rues, dans les endroits où les gens biens se plaisent à se réunir, ce qui fait un nombre certain de possibilités.


Un soir au restaurant, est un soir agréable.

Après tout dépend, si je le passe avec mon Samouraï, en tête a tête, et, là, je serai particulièrement l’aise, gardant certaines prérogatives comme une salle pas trop bondée, une place dos à la salle qui mange [1].

Il fut un temps ou toute sortie de ce genre m’était impossible même. Beaucoup trop d’émotions fortes en une si petite séquence temporelle...

Oui à une époque, je ne pouvais pas, ou plus, car je l’avais fait lors de ma période adolescente avec excès mais sous d’autres effets sortir, comme je le fais aujourd’hui. Même les bars ou plutôt les pubs ne me font plus peur.

Je prends même plaisir à voir toutes ces vies s’accumuler l’espace d’une soirée, les unes à coté des autres, attablées au resto ou accoudées au bar. Des pans de vies, que je perçois donc comme tel, qui se côtoient, quelque fois s’évitent... S’animent en tout cas fortement.

C’est beaucoup de choses à ne pas trop prendre en compte bien malgré moi, mais j’y arrive car je pense avoir trouvé avec le temps une sorte d’équilibre.

Dans les bars, par exemple, je ressens tout comme ailleurs, cette vague impression d’être là sans y être, de vivre le moment présent en le regardant de l’extérieur, mais après quelques bières cela va mieux.

Le restaurant est une expérience plus complexe, mais a laquelle je me plie aujourd’hui avec plaisir, avec des amis, ou en amoureux... [2]

Mais je ressens également toujours la même drôle d’émotion triste par contre, car je me rends a l’évidence chaque fois, non, je ne leur ressemble pas... Et probablement jamais je ne leur ressemblerai.

Je ne peux pas être si spontanément dans l’action sans réfléchir à mes actes et à mes propos. [3]

Mais je sais être spontanée dans mes émotions à moi, oui. Souvent en décalage avec celle des autres.

Observons une table au hasard

À notre gauche...Une tablée de collègues de travail, à notre droite une tablée d’amoureux, et, plus loin encore, des amis en sortie.

Les rires, les conversations, forment le nuage de fond sonore, de cette pièce. Un fond qui se divise pour moi en autant de bribes de conversations entendues et analysées, même si je ne le désire pas.

Classique et fatiguant.

De plus, je perçois chaque minuscules bruits et sons. [4]

Mais surtout, ce qui me peine, et il n’est pas rare que je verse même une larme discrète à ce sujet ....

C’est de sentir la vie sociale épanouie, si évidente aux regard des gens, qui ont des routes fort similaires, mais divergente de la mienne... Couples [5], maison à construire, voiture dans le garage, enfants [6], et envie de se rassembler pour parler, partager, constituer des associations.

Tout cela est très bien organisé, les gens biens sont reconnus comme tels par ce qu’ils montrent de leur vie conventionnelle, et je ne suis pas conventionnelle...

Suis je quelqu’un de bien ?

Souvent je me prends à me demander comment serait ma vie sans le SA [7], sans ma différence, invisible et palpable, et si moi aussi, j’aurais cette jolie voiture, ce groupe social imposant, cette « stature » sociale qui mesurerait ma popularité aux yeux de tous...

Mais je suis loin de cela.

J’ai l’impression de vivre dans le reflet des autres... N’être qu’une forme de fantôme, dans leur existence.

De part ma non existence sociale « classique » [8], je dois prouver ma valeur morale, et de part mes différences de comportement, de mouvement, de compréhension, je dois me battre pour être juste acceptée dans cette immense communauté...

J’y arrive oui.

Mais énormément d’aspies ne le peuvent pas aujourd’hui.

Encore considérés comme étranges et dans leur monde, la force qu’il leur faut pour franchir certaines barrières est colossale.

Je n’ai pas toujours cette force mais au moins je feins très bien... C’est pourquoi cette nostalgie douce m’envahit parfois dans les lieux dits de fête.

Je suis un reflet...

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Merci de m’avoir lue ! :-)
La semaine prochaine... Une autre petite tranche de la vie quotidienne de Suki
Une journée de travail...


[1la vue de tous ces personnes parlant, riant, mangeant me fait aussitôt perdre la moindre chance d’appétit... Merci anorexie latente.

[2car j’ai cette chance, moi aspie, d’avoir un amoureux... Même si il est fondamentalement pas si classique.

[3savoir si c’est attendu, et deviner les réactions, les intentions.

[4Pas de filtre, pour moi...

[5qui se font et se défont

[6oui j’ai cette chance c’est vrai...

[7Syndrome d’Asperger, une forme d’autisme

[8discussion avec des voisins, avec des collègues, élocution spontanée et dynamisme relationnel que je n’ai pas

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