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Contraception et gynécologie >


Contraception, IVG, ligature de trompes, accouchement, respect des patientes : en 2013, en France, il y a encore beaucoup à faire pour que les femmes soient bien soignées
Marc Zaffran/Martin Winckler
Article du 28 septembre 2013

Le 26 septembre était la journée mondiale de la contraception, et bien que d’immenses progrès aient été accomplis depuis trente ans, et encore plus depuis le début des années 2000, date à laquelle beaucoup de femmes françaises ont commencé à avoir accès à l’internet et à partager des informations.

Citons, parmi ces avancées (si j’en oublie, signalez-les moi)

 la loi de 2001 sur la contraception permettant
— 1° la remise de la contraception d’urgence aux mineures via les infirmières scolaires et la gratuité du Norlevo pour les mineures en pharmacie
— 2° l’allongement du délai d’IVG pour être en phase avec les autres pays européens environnants ;
— 3° l’accès de toute personne majeure à une contraception définitive (vasectomie, ligature de trompes, stérilisation endoscopique par méthode Essure) après 4 mois de réflexion. Lire le texte de la loi

 la publication, depuis 2004, des recommandations de la HAS sur la contraception stipulant entre autres que le DIU (dispositif intra-utérin) est une contraception de première intention, qui peut donc par conséquent être prescrite à toute femme indépendamment du fait qu’elle a ou non déjà été enceinte et mené des grossesses à terme…

 la réalisation par l’INPES du site « Choisir sa contraception » qui donne des informations très complètes

 la loi permettant aux sages-femmes de prescrire (enfin !) toutes les méthodes contraceptives ! Aujourd’hui, quand on veut se faire poser un DIU, il y a d’autres professionnelles que les gynécologues... (Cela dit, il faudrait aussi que les généralistes s’y mettent, mais on leur tape tellement dessus, en ce moment...)

 le débat, en 2011-2012 sur la nécessité de ne pas prescrire de pilules de 3e génération aux jeunes femmes prenant une contraception pour la première fois, de ne pas prescrire Diane et Jasmine comme des pilules-pour-l’acné, et de toujours proposer aux femmes de choisir leur méthode après les leur avoir TOUTES présentées.

MAIS IL Y A ENCORE BEAUCOUP A FAIRE

Des lacunes sur le plan de l’IVG : beaucoup de centres sont en difficulté, soit par manque de personnel, soit par carences du financement ; de ce fait, nombre de femmes ont du mal à obtenir un RV dans les délais imposés par la loi. (Lire un article récent sur le sujet.)

Ceci dit, le gouvernement vient de lancer un nouveau site consacré à l’IVG en France. C’est un point positif.

Des lacunes dans la délivrance de la contraception : malgré l’information de plus en plus précise, de plus en plus accessible, nombre de femmes rencontrent encore de grandes difficultés à obtenir la méthode de leur choix.

Des résistances et idées reçues des médecins vis-à-vis des DIU

 un trop grand nombre de médecins refusent encore de poser des DIU à des utilisatrices de tous âges au prétexte qu’elles n’ont pas eu d’enfant ; ce n’est pas une attitude scientifiquement valide (les DIU ne provoquent pas d’infection, ils ne provoquent pas de GEU, ils ne rendent pas stérile, et tout ça est clairement démontré depuis au moins 20 ans) ; ce n’est pas une attitude professionnelle (si le médecin a peur des DIU, il n’a pas à faire peur aux femmes qui en demandent un) ; ce n’est pas une attitude respectueuse (c’est à la femme de faire des choix de vie, non au médecin de les faire pour elle) ;

 un trop grand nombre de médecins ignorent qu’on peut poser des DIU sans faire mal et en particulier, sans utiliser de pince de Pozzi, et en pratiquant la technique dite de la « torpille » ; c’est dommage pour les femmes, qui pourraient pourtant se faire poser des DIU avec beaucoup moins de désagréments ;

 un trop grand nombre de médecins continuent à affirmer que les DIU sont moins fiables que la pilule, alors que c’est le contraire, et il n’y a pas photo ;

 un trop grand nombre de médecins continuent à croire et à affirmer (et à désinformer aussi les pharmaciens) que les anti-inflammatoires inactivent l’action des DIU, alors que cette légende strictement franco-française (les Belges n’en souffrent pas) a déjà maintes fois été démentie par les faits ;

 un trop grand nombre de médecins, quand ils posent des DIU, orientent systématiquement vers le DIU hormonal, alors que c’est à l’utilisatrice de choisir. Et qu’il peut être tout à fait légitime d’essayer un DIU au cuivre et de demander au bout de 6 mois à passer à un DIU hormonal, ou l’inverse. Contraception d’un jour n’est pas pour toujours, la vie change, la contraception doit pouvoir changer aussi, à la guise de l’utilisatrice et non pas selon l’humeur des professionnels.

Des résistances et idées reçues des médecins concernant l’implant progestatif

Beaucoup de médecins ignorent l’utilisation, les avantages et inconvénients des implants.

Il n’est pas acceptable que des professionnels de santé refusent de pratiquer des gestes simples qui font, en principe, partie de leur domaine de compétence, alors même qu’ils exigent qu’on reconnaisse leur importance pour les femmes. Un(e) gynéco qui refuse systématiquement de poser des implants (ou de les retirer) n’est pas un professionnel qui fait son boulot.

 l’implant serait « difficile à poser » : FAUX ; le fabriquant a même commercialisé un système qui, correctement utilisé, permet de le poser parfaitement

 il serait « difficile à retirer » : FAUX quand il a été bien posé ; parfois vrai quand on l’a posé n’importe comment mais est-il acceptable qu’un professionnel (gynécologue) dont c’est LE METIER ET LE DOMAINE DE COMPETENCE ne se donne pas le temps (deux heures) d’apprendre à poser correctement (et à retirer) un implant ?????

 il serait « toujours mal toléré » : FAUX ; l’implant a des effets secondaires gênants, c’est vrai, mais aucun n’est grave ou ne met la vie en danger :

— le spotting (saignements répétés) est fréquent (25 % des utilisatrices) mais les ¾ des utilisatrices n’ont pas ce problème, et une grande partie des femmes gênées peuvent réduire ces saignements grâce à la prise d’ibuprofène ou simplement la patience : au bout de 4 à 6 mois, les saignements disparaissent ; pour 3 ans de tranquillité contraceptive, lorsqu’elles en sont informées, les femmes sont en droit de choisir d’essayer

— l’acné est plus problématique : un implant peut accentuer une acné préexistante, et il est plutôt déconseillé dans ces circonstances ; mais ça ne concerne que les jeunes femmes qui en ont…

— une prise de poids importante peut se voir chez les femmes ayant déjà pris du poids sous contraceptif (il y en a…) ou qui ont pris beaucoup de poids pendant des grossesses (sous implant, l’organisme se met en « mode grossesse » encore plus que sous pilule…)

Mais aucun de ces effets secondaires ne menace la vie et les utilisatrices averties peuvent évidemment opter à tout moment pour une autre méthode si leur médecin ne voit pas un retrait d’implant comme une injure personnelle, mais comme un geste médical qui relève de leur compétence…

Une TRES forte opposition médicale à l’accouchement à domicile et à la dé-technologisation de l’accouchement

C’est un sujet un peu extérieur, mais il concerne les femmes en premier lieu. Alors que tous les pays développés insistent sur les coûts et la dangerosité des séjours prolongés à l’hôpital, et alors que de nombreux pays d’Europe les autorisent sans augmentation de la morbidité et de la mortalité, il est incohérent que la France, par le biais de ses praticiens, qui se prétendent volontiers à la pointe de l’obstétrique mondiale, oppose une résistance farouche (et autoritaire) au désir des femmes qui vont dans le même sens. Il n’y a pas de base scientifique au fait que l’on culpabilise les femmes qui veulent accoucher chez elles, ou qu’on mette les sages-femmes dans l’incapacité de pratiquer à domicile en leur imposant des primes d’assurance professionnelle exorbitantes.

Une grossesse qui s’est bien passée, a fortiori celle d’une femme qui a déjà accouché et qui préfère le faire chez elle, ne présente pas de risque particulier. Importer les règles de sécurité des pays qui les pratiquent couramment (Pays-Bas, Scandinavie, en particulier) et autoriser la création de maisons de naissance comme il en existe au Québec, par exemple, serait une manière élégante et économique de remettre la naissance dans son cadre naturel – le quartier, la communauté. S’y opposer par principe (et en refusant les évidences scientifiques qui montrent que la naissance à domicile est tout à fait sécuritaire) n’est pas acceptable de la part d’une profession qui se dit sérieuse.

Surtout quand l’INPES soi-même, organisme gouvernemental français, décrit très précisément ce qui se fait ailleurs qu’en France et comment.

Lire un chat très intéressant sur le sujet

Une TRES forte opposition médicale à la demande de stérilisation

Un simple examen de la fiche officielle sur la stérilisation publiée par la HAS en 2013 à l’intention des professionnels (!!!) rappelle la loi : 18 ans, 4 mois de réflexion et AUCUNE AUTRE CONDITION D’AGE, DE NOMBRE D’ENFANTS ou de STATUT MARITAL !!!

Pourtant, un grand nombre de médecins s’opposent à ces demandes, surtout quand elles viennent de femmes, que celles-ci aient déjà ou non des enfants.

Bien sûr, la décision de se faire stériliser à 18 ans est problématique, mais elle est beaucoup plus rare que la décision de femmes de plus de 30 ans de ne plus avoir d’enfants (ou de ne pas en avoir du tout).

Or, on ne peut pas d’un côté présumer qu’une personne majeure est apte à voter, payer ses impôts, conduire un poids-lourd, être pilote d’hélicoptère, être élue locale et avoir des enfants librement (ce qu’on n’interdit pas aux mineures, d’ailleurs) ET LUI REFUSER PAR AILLEURS DE CHOISIR DE NE PAS (OU PLUS) ETRE ENCEINTE.

Il n’est pas logique, ni sain, dans un pays démocratique, d’exposer des femmes qui n’en veulent pas aux effets secondaires des méthodes contraceptives, aux grossesses non désirées et aux IVG qui s’ensuivent, et de leur refuser une méthode simple ET LEGALE qui leur permette d’éviter tous ces risques.

La seule objection médicale que l’on pourrait à la rigueur faire à une ligature de trompes avant l’âge de 30 ans est celle de l’efficacité : un certain nombre d’études montrent qu’avant 30 ans, les échecs de stérililsation sont nombreux (reperméabilisation spontanée des trompes…) et susceptibles de favoriser des grossesses extra-utérines.

Cela dit, si une femme désire TOUT DE MËME (malgré le risque d’échec) se faire stériliser avant 30 ans plutôt que d’opter pour un DIU ou un implant, par exemple, le lui refuser n’est pas acceptable, ce n’est pas professionnel, ce n’est pas conforme à l’éthique. Et c’est contraire à la loi.

Comme le rappelle la fiche de la HAS mentionnée plus haut, tout professionnel doit, s’il ne pratique pas ou ne veut pas pratiquer une ligature de trompes, adresser la patiente qui la demande à un praticien qui l’effectue.

« Pourquoi tant de médecins sont-ils opposés à ce que les femmes décident de se faire stériliser ? »

Je ne crois pas qu’il y ait de réponse univoque car les raisons de chaque médecin lui sont entièrement personnelles. Mais je tiens à faire remarquer que les raisons de ce refus n’ont aucune importance : la loi est claire, les médecins doivent la respecter. Leurs motifs de refus sont arbitraires et paternalistes, et cela fait bien longtemps que les médecins de pays aussi évolués (voire plus) que la France, tels la Belgique, les Pays-Bas, la Scandinavie, l’Angleterre, les Etats-Unis, le Canada ne les évoquent même plus. Dans ces pays, les individus assument leurs choix et les conséquences de celles-ci, et on ne poursuit jamais les médecins pour les conséquences d’une décision prise par le patient !!!!

Les opposants à la stérilisation avancent que le risque de regrets ultérieur de la part des femmes ayant subi une ligature de trompes dissuade de pratiquer cette intervention.

C’est supposer que toutes les femmes qui demandent une stérilisation sont identiques et qu’elles sont toutes susceptibles d’avoir des regrets. Les données scientifiques montrent que ce n’est pas vrai.

La stérilisation volontaire est pratiquée depuis près de cinquante ans aux Etats-Unis et la plupart des études sur les regrets montrent que ceux-ci n’apparaissent que chez moins de 15% des personne y ayant eu recours. Il n’est pas éthique de pénaliser les 85% de personnes qui n’en auront pas. En revanche, il est souhaitable de développer des critères qui permettent de cibler les femmes (et les hommes) les plus susceptibles d’avoir des regrets.

Une étude publiée en 2004 dans l’Australian and New Zealand Journal of Obstetrics and Gynaecology donne des éléments dans ce sens :
  les femmes de moins de 30 ans sont plus susceptibles d’avoir des regrets que les femmes de plus de 30 ans ;
  les femmes ayant au moins deux enfants sont beaucoup moins susceptibles d’avoir des regrets que les autres (quel que soit leur âge)
  un facteur majeur de regrets est l’instabilité du couple : une femme qui demande une ligature de trompes alors qu’elle a une relation de couple difficile est très susceptible de demander une réparation tubaire ou une FIV une fois qu’elle a changé de partenaire.

Les auteurs concluent cependant :

Knowledge of risk factors that have a significant asso- ciation with strong post-sterilisation regret and IVF request is definitely valuable in pre-sterilisation coun- selling to identify women who are not appropriate can- didates for sterilisation. Even with the best counselling, however, some regret is probably not entirely avoidable. Knowledge of strong risk factors such as age should not be used simply to restrict sterilisation to those not in a high risk group, but only indicates that such women may need more explicit and extensive counselling before undergoing sterilisation. If the criteria for sterilisation were too restrictive, a satisfactory form of contraception would be withheld from a substantial number of well motivated women.

Traduction (MW) : "Il est très important de connaître les facteurs de risques significatifs associés aux regrets et aux demandes de FIV post-stérilisation ; et ce, afin d’identifier, au cours des séances d’entretien pour demande de stérilisation, les femmes qui ne sont pas de bonnes candidates à cette procédure. Toutefois, même après des entretiens bien conduits, il n’est pas possible d’éviter tous les regrets. Les facteurs de risques connus importants, tels l’âge, ne devraient cependant pas être employée pour restreindre la stérilisation aux femmes qui ne font pas partie d’un groupe à haut risque ; ils indiquent seulement que ces femmes ont besoin d’entretiens suivis avant une demande de stérilisation. Si les critères de stérilisation étaient trop stricts, ils interdiraient à un grand nombre de femmes extrêmement motivées cette forme satisfaisante de contraception."

Dans un article de synthèse plus récent (Obstetrics & Gynecology, Volume 111(1), January 2008, pp 189-203), les auteurs rappellent que les deux critères défavorables d’une stérilisation (féminine ou masculine) sont l’âge (moins de 30 ans pour la femme) et l’existence de conflits dans le couple (les interventions faites dans ce contexte ont toutes chances d’entraîner des regrets ultérieurs). Le nombre d’enfant n’est pas, en lui même, un facteur qui favorise les regrets. En tout état de cause, il n’est pas scientifiquement acceptable de refuser une stérilisation endoscopique à une femme de 30 ans, même si elle n’a pas d’enfant, au SEUL motif qu’elle pourrait avoir des regrets. Est-ce qu’on refuse à une femme d’avoir un enfant au motif qu’elle pourrait le regretter ?
C’est pourtant une décision beaucoup plus lourde de conséquences (pour la femme, pour le conjoint, pour les enfants eux-mêmes) que celle de ne pas en avoir…

Un médecin n’est pas un juge, ce n’est pas un directeur de conscience, ce n’est pas un père-la-morale. Les choix de vie – sexuelle ou reproductive – des femmes ne relèvent pas de leur compétence.

Dans tous les cas :

1° il est inacceptable de la part d’un professionnel de santé de faire des commentaires désagréables ou de proférer des jugements de valeur auprès d’une femme ou d’un homme qui lui demande une stérilisation

2° le professionnel de santé, s’il pratique des stérilisations, n’a pas le droit de refuser une intervention en dehors d’une contre-indication MEDICALE avérée (et il y en a très peu...). L’âge de la patiente n’est pas un motif. En revanche, il peut demander à celle-ci de rencontrer un(e) psychologue de son choix pendant le délai de 4 mois afin que la patiente s’assure que ce choix est définitif ; il peut aussi s’assurer qu’on lui a déjà proposé toutes les méthodes de contraception disponibles. J’ai vu, pour ma part, trop de femmes demander une ligature de trompes après s’être retrouvées enceintes et avoir eu recours à une ou plusieurs IVG parce qu’on leur avait refusé systématiquement un DIU ou un implant !!!

3° le professionnel de santé DOIT indiquer à la patiente un confrère qui pratiquera l’intervention sans condition, si lui-même ne veut pas l’effectuer

4° le professionnel de santé commettrait une faute professionnelle s’il déclarait que la stérilisation est « interdite par la loi » ou qu’elle est « impensable, inacceptable, et impossible à obtenir » pour la femme qui la demande. Mensonges, culpabilisation et jugements de valeur contreviennent à plusieurs articles du code de déontologie.

La relation de soin n’est pas une relation d’autorité ou de pouvoir, c’est une relation de service, d’entraide et d’accompagnement.

Un médecin a l’obligation éthique de se mettre au service de la personne qui fait appel à lui dans le cadre de la loi. Il n’a pas à « choisir » les services qu’il rend ou ne rend pas, quand ils font partie de sa spécialité et de sa compétence. Il n’a pas à « sélectionner » ses patient(e)s. Il n’a pas à exiger tel ou tel comportement de leur part (se déshabiller à sa demande, subir un examen qu’ils jugent indispensable, répondre à des questions personnelles, etc.). Il n’a pas à imposer quoi que ce soit, d’ailleurs !!!

Un médecin n’a pas à imposer des examens inutiles tels que :
 frottis chez une adolescente et/ou à un rythme annuel (les recommandations actuelles sont : à partir de 25 ans ou 8 ans après le premier rapport, puis tous les 3 ans) ;
 prise de sang annuelle (une seule suffit pour la pilule, en début de prescription) ;
 examen gynécologique pour renouvellement (une femme en bonne santé n’a pas besoin d’être examinée) ;
 échographie de « contrôle » de routine après pose d’un DIU (inutile et source d’inquiétudes injustifiées) ;
 échographie transvaginale (en dehors de l’extrême urgence, l’échographie abdominale peut parfaitement suffire dans l’immense majorité des cas).

Un médecin doit obtenir l’accord de la patiente pour TOUT geste qu’il pratique sur elle, dès qu’il la touche. Je sais, ça vous surprend, mais c’est comme ça (encore le code de déontologie).

Est-ce qu’il peut prescrire la pilule sans toucher une patiente ? Bien sûr. On peut prescrire une contraception d’urgence, une pilule progestative pure ou un implant à pratiquement toutes les femmes, sans avoir besoin de les toucher, par exemple. Et l’examen gynécologique annuel (avec ou sans contraception) est inutile en l’absence de symptôme gênant éprouvé par la femme.

Bon nombre de médecins français n’ont pas une attitude respectueuse à l’égard des femmes qui leur confient leurs demandes contraceptives. Les femmes françaises ne doivent pas l’accepter, car c’est inacceptable. Les changements de comportement ne viendront jamais des personnes en position d’autorité (qui ont tout intérêt à ce que les choses restent à l’identique), il ne pourra venir que des citoyen(ne)s. Le changement vient toujours des citoyen(ne)s.

Prochain combat : la dénonciation de la violence médicale

Les médecins ne sont pas des privilégiés, ils ne doivent pas utiliser leur position d’autorité pour imposer des comportements anti-professionnels et la violence, verbale ou physique, est anti-professionnelle.

Toute violence médicale – insultes ouvertes ou déguisées, comportement moralisateur ou culpabilisant, refus d’écoute et refus de prescription, examen imposé, chantage (obéissez sinon sortez) est inacceptable et interdite par le code de la Santé Publique et le Code de déontologie. Elle peut faire l’objet de poursuite devant les tribunaux. Elle doit être dénoncée !!!

Avant d’en arriver au dépôt de plainte, il faut se rappeler que les médecins n’aiment pas qu’on ternisse leur réputation. Or, il est un moyen simple de leur faire entendre qu’ils ne doivent pas se comporter ainsi, c’est de les dénoncer d’abord auprès des autorités dont ils dépendent.

Lorsque vous constatez ou subissez un comportement inapproprié de la part d’un médecin,
 commentaires insultants ou brutaux
 refus de soin ou de réponse
 exigences humiliantes
 culpabilisation
 chantage…
vous n’allez évidemment pas retourner le voir. Il vous a maltraitée une fois, il le refera. Mais il y a une manière de procéder très simple pour riposter : écrivez lui. Une lettre à l’ordinateur, pas une lettre manuscrite. Il faut que ça ait l’air posé et officiel.

Ecrivez-lui dès que possible (dans la semaine qui suit la consultation) une lettre factuelle, descriptive de son comportement. (Ne parlez pas de vos émotions, mais s’il vous a fait mal physiquement ou vous a choquée par ses commentaires, dites-le.)

Décrivez exactement comment il s’est comporté et pourquoi vous pensez qu’il s’est comporté de manière inacceptable. Citez les articles du code de déontologie (on peut le télécharger sur le site du conseil de l’Ordre) qui viennent en appui de ce que vous dites.

Dites-lui que vous vous réservez le droit de donner à cette lettre « les suites qui conviennent » (ça laisse entendre plein de choses, et les médecins fantasment et gambergent comme tout le monde).

Demandez qu’il vous réponde, qu’il vous présente des excuses et vous propose une autre consultation dans le mois qui suit.

Envoyez une copie de votre lettre (en précisant dans le courrier initial qui vous mettez en copie)
 au conseil départemental de l’Ordre ;
 au directeur de son établissement (le cas échéant) ou à ses confrères (s’il travaille en cabinet de groupe) car les institutions n’aiment pas les praticiens qui ternissent LEUR réputation ;
 à la CPAM de votre département ;
 à un avocat si vous en connaissez un (ça montre que vous ne plaisantez pas).

S’il vous répond, la teneur de la lettre – et le fait qu’il vous donne ce RV ou non – peut témoigner de sa bonne foi (il arrive que des praticiens fatigués aient un comportement stupide ; ils sont en droit d’avoir une chance de faire amende honorable) ou bien de sa mauvaise foi (il répond une lettre insultante).
Communiquez aussi la réponse, avec vos commentaires, aux instances sus-citées.

Et faites connaître votre démarche via les réseaux sociaux :

« Mon médecin a eu un comportement à mon égard un comportement non professionnel. Je le lui ai écrit, et j’ai mis en copie (telle institution). Si vous aussi pensez que votre médecin a eu un comportement inacceptable, faites de même. »

S’il propose de vous revoir, n’y allez pas seule. Faites-vous accompagner par un(e) proche. Il ne peut pas refuser de la laisser entrer si vous le demandez. S’il refuse, n’entrez pas. S’il accepte, demandez à votre accompagnant(e) de prendre des notes. C’est votre droit le plus strict. Si la conversation se passe mal, demandez au médecin de vous donner votre dossier.

Ce type de démarche, quand elles se multiplient, n’est pas sans effet. Quand une lettre arrive, ça peut paraître peu. Quand un même praticien reçoit plusieurs lettres du même type de ses patientes, il se pose des questions. Au minimum, ça l’empêche de dormir, car tout le monde a quelque chose à se reprocher. Quand il y en a vingt, ça commence à devenir un problème, car ça ne passe pas inaperçu.

Note importante : si vous désirez un jour porter plainte contre un médecin, n’allez pas devant le conseil de l’Ordre, mais devant les tribunaux. L’Ordre n’est pas une instance destinée à protéger les citoyens. Tout médecin est responsable de son comportement devant la loi. Il ne peut pas être jugé par ses pairs de manière impartiale.

Plus les femmes seront nombreuses à signaler les praticiens brutaux et indélicats, plus cela a des chances de changer.

J’ajouterai qu’il serait légitime que les associations de consommateurs dressent des tableaux de praticiens à problèmes signalés par leurs membres. Evidemment, c’est une démarche difficile, mais pourquoi faudrait-il continuer à subir sans rien dire ?

C’est seulement en donnant aux jeunes médecins en formation l’exemple de ce qu’il est, du point de vue des usagers, acceptable ou inacceptable que l’on modifiera l’attitude des générations à venir.

Aujourd’hui, on dénonce la violence conjugale, la violence à enfants et et le harcèlement moral au travail.

Il n’y a donc aucune raison d’accepter sans rien dire la violence médicale.

Martin Winckler

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