Être aspie parmi les non-aspies - communication ?
Par La Grande Asperge le samedi 23 novembre 2013, 18:07 - Témoignages - Lien permanent
Strictement personnel
Bonjour,
Aspie "moyen", je vais essayer de décrire comment je me perçois et comment je perçois les autres.
Au passage, je tiens à dire que dans cette description, il y a le coté aspie et des aspects qui me sont propres. Et que je suis parfaitement incapable de faire la différence entre les deux. Donc attention, ne considérez pas mon témoignage comme celui de l'aspie type, mais comme d'un aspie parmi d'autre. De même que si une personne à la peau rouge témoignait, ce serait le témoignage de cette personne et pas de tous les peaux-rouges, etc.
Lorsque je pense de ce qui semble être une manière normale à mes yeux, je pense d'une manière qui me semble logique. Et -en tenant compte du point de vue des non-aspies- elle est logique. Logique comme l'est à vos yeux une équation mathématique. En fait, la plupart de mes actes sont dictés par la logique. Si un comportement me semble logique, je le respecterai de manière absolue. Par contre, s'il ne me semble pas logique, je l'ignorerait/ j'aurai beaucoup de mal à l'effectuer.
Par exemple, les subtilités sociales me dépassent. Tout ce que vous nommez "norme", "habitude", "évidence", "être soi-même" n'a aucun sens pour moi. Considérez que la notion de "préjugé", de "spontané", m'est étrangère. Ou plutôt, elle me met mal à l'aise: lorsque vous me dites "c'est évident", ça me semble souvent aussi "évident" que si un fou m'affirmait que "c'est évident" que si le soleil est jaune c'est parce que son caleçon est jaune...
C'est très... difficile à vivre dans la vie de tous les jours. Parce que, ça n'a pas l'air comme ça, mais vous vivez avec un ensemble de préjugés, ces préjugés qui sont la base de la société dans laquelle vous vivez et qui vous permettent d'agir sans vous torturer de questions.
Exemples:
- Si vous êtes en présence d'autres personnes, vous allez éviter de roter. C'est évident pour vous: le "rot c'est sale". Pour moi, ça ne l'est pas. Le rot, c'est un dégagement de gaz stomacaux. Rien de sale là dedans: vos vêtements restent propres et vous n'êtes pas contaminé par une maladie. Dans le pire des cas, ça sent mauvais, mais c'est tout. Résultat: avant qu'on me dise que la coutume voulait qu'on ne rote pas à table, je le faisais sans gène et sans m'excuser. Et je passais pour le porc de service.
- Si vous êtes en difficulté, par exemple au bureau pour utiliser un logiciel, vous ne vous attendez pas à ce qu'une autre personne vienne vous aider immédiatement. Si une personne le faisait immédiatement, vous le percevriez comme une manière pour cette personne de demander plus, par exemple de tenter de vous séduire ou d'affirmer sa supériorité (c'est du vécu!). Alors que pour moi, si vous avez une difficulté et que je sais comment vous aider, spontanément, je vous aide. En fait, à mes yeux, si je ne le faisait pas, je serai... une ordure: j'aurais les moyens d'aider quelqu'un qui travaille avec moi mais je ne l'aiderai pas. Alors que pour vous, ces 5-10min correspondent au temps que vous allez passer à hésiter d'intervenir. Maintenant, après de longues années, je sais que la "coutume" veut que je vous laisse poireauter 5-10 minutes avant d'intervenir. Mais je ne comprends pas pourquoi je dois attendre ces 5- 10min, et je ne l'attend que pour éviter d'avoir des ennuis.
Autre aspect.
Il se trouve que je suis aveugle/ myope à tout ce qui n'est pas dit explicitement.
Par exemple, si vous me parlez en formulant des phrases au sens neutre mais que votre posture exprime la colère, je ne vais retenir que le sens des phrases.
En fait, comme je ne suis pas totalement aveugle, je vais percevoir que vous avez une émotion négative, mais je vais être incapable de la quantifier ni de savoir qui en est l'objet.
Ce qui est terrifiant. Je perçois que vous n’êtes pas content, mais je ne sais pas pourquoi, ni contre quoi vous êtes en colère, ni même si vous êtes juste irrité ou profondément énervé.
Ça, c'est lorsque vous exprimez vos émotions.
Et sachez que contrairement à ce que certains disent sur les aspies, j'éprouve des émotions. Très intenses, même. Simplement je ne sais pas spontanément comment les exprimer de manière à ce que vous les perceviez. Peut être que les zones de mon cerveau qui devraient s'en charger dysfonctionnent.
Autre exemple, si dans vos mots, sur le coup de la mauvaise humeur, vous me dites "tu ne vaux rien", je vais le percevoir comme un jugement définitif et littéral (c'est à dire un peu comme une forme de condamnation à mort, puisque quelqu'un qui ne vaut rien ne vaut même pas la peine de vivre). D'autant que, par nature, j'ai beaucoup de mal à relativiser: les mots "c'était pour rire" n'ont pas vraiment de sens pour moi.
A l'inverse, on dit parfois que les aspies ont des "explosions de colère". Je n'ai pas le souvenir d'avoir "explosé de colère". Mais maintenant que je commence à comprendre comment vous, "normaux", vivez, je comprends mieux ce que vous appelez "explosions de colère".
Il se trouve que manifester mes émotions me met mal à l'aise: je suis blessé avec "l'expression violente" que vous faites des vôtres. J’essaye donc de contrôler les miennes pour ne pas vous blesser. D'un autre coté, j'ai du mal à concevoir que vous ne puissiez pas agir de manière logique. Lorsque je me sens agressé émotionnellement par vous, mon premier réflexe est de me dire que vous le faites parce que j'ai mal agis/ que je suis en tort. Par exemple, moi-même je ne crie que si la personne à laquelle je veux soumettre une critique est en danger de mort/ menace la vie d'autrui. Lorsqu'enfin je réalise que votre agression verbale est principalement due à un passage de mauvaise humeur, je suis doublement furieux: tout d'abord d'avoir été agressé, mais en plus d'avoir été agressé sans raison valable. Ce qui fait que je réponds deux fois plus violemment. Pire, si je suis en colère, je vais totalement court-circuiter les expressions que vous emploieriez pour atténuer la portée de vos mots. Je vais m'exprimer brutalement, parce que je vais vous renvoyer directement la souffrance que j'ai reçu, sans utiliser les "formules de politesse". Si ça peut vous conforter, dites vous bien que la douleur que vous recevez est au moins égale à celle que j'éprouve. Mais je doute que ça vous conforte, enfin, j'espère... La douleur, c'est triste.
Autre aspect, je maîtrise très mal le langage non verbal. Toujours est-il qu'il est possible que lorsque je vous parle, par malheur, j'exprime sur le plan non-verbal quelque chose qui a un sens pour vous, et qui change le sens de ce que je dis, mais que je ne perçois pas. Vous allez donc croire que je me moque de vous (ou tout autre chose) alors que ce n'est pas le cas. Et le pire, pour moi, c'est qu'il m'est impossible de prédire comment vous allez réagir.
En fait, la communication avec autrui me donne parfois l'impression d'être un aveugle au milieu d'un champ de mine : je ne sais jamais quand ça va exploser, ni pourquoi ça va exploser.
Commentaires
Merci pour votre article : je suis trés intéressée par votre expérience , car mon ami aspie (rencontré sur internet il y a 4 ans) me désarçonne très souvent par ses silences , sa difficulté de plus en plus grande à se mobiliser
Nous sommes profondément attachés l'un à l'autre mais son besoin de distance et son silence ou repli frequents me perturbent physiquement et moralement : certes ma différence le perturbe aussi , mais il a été important pour lui de comprendre qu'il était aspie ( il a fait auparavant 20 ans de psychanalyse , qu'il a d'ailleurs arrêtée depuis )
J'ai lu ... Notamment le livre en anglais qui s'adresse aux conjoints d'aspie : très bien , mais bon , ça reste difficile pour moi !
Auriez vous des conseils , des sites ou livres à me recommander ?
Merci ... Et bon courage !
Anne
Bonjour Anne,
malheureusement, nous sommes surtout un site "entre aspergiens" et il est vrai qu'en France l'aide aux conjoints est à l'état zéro... Effectivement, il n'y a que des livres anglosaxons d'accessibles, or ils présentent un biais culturel énorme... Un couple aux USA ce n'est pas un couple français !
Mais il existe des sites où vous pouvez échanger avec d'autres personnes non aspergiennes et quelques personnes aspergiennes sur ces sujets (entre autres), nous en avons fait un petit inventaire sur la page suivante : cliquez là
Nous espérons que vous y trouverez ce que je vous cherchez.
Bonne journée à vous et merci de votre commentaire.
Je suis moi même aspie, mais je ne l'ai appris que recement. Avant, j'ignorais ce qu’était le fait d’être autiste. Je me percevait comme très timide, mais je ne savais pas pourquoi je n'avais pas d'amies, pourquoi je dérangeais par mon comportement "étrange" (isolement des autres, regard perdu dans le vide, méditation en ce qui me concernait) Et les autres pensaient que j'avais des troubles mentaux. Etre aspie n'est pas une maladie, ça fait parti de la personnalité, même si c'est handicapant... Ma sœur n'est pas aspie, et elle avait des amies. Rejetée, j'ai même fait une dépression. J'ai multitude de comportements bizarres que je pensais normaux comme jouer avec des objets, être attachée a ses habitudes, detesté être observé lors d'un activité, écrire mal et lentement, avoir du mal a exprimer ses émotions, être "intello", ne pas avoir de relations sociales... ect Passer un temps j'avais beaucoup de mal a me concentrer en classe, attirer par les bruits de la nature, les odeurs, laisser son esprit vagabonder, etre là, mais ailleurs... Autant de comportements aspie, mais faut vivre avec... ♥
Ella,
nous ne pensons justement pas que l'autisme est un trait de personnalité (ou une série de traits) car il se trouve que nous sommes tous différents en terme de personnalité justement... La logique est que nous avons une différence sensorielle d'avec les personnes normales. Différence qui a une influence mais ne modèle pas tout. Loin s'en faut.
Cette différence sensorielle induit des comportements de non intérêt pour les visages et expressions parce qu'elle nous rend souvent incapable (sauf rééducation) de les interpréter, leur vision "brute" ne signifie rien pour nous : pourquoi regarder quelque chose qu'on ne "voit" pas ? Elle peut aussi entraîner des incompréhensions du discours, non pas parce que nous serions mentalement atteints mais parce que nous n'entendons pas les nuances d'expression des voix... Il y a une majorité de langues pour lesquelles ces nuances sont signifiantes... Si on ne les entend pas alors on n'a pas accès à ce qu'elle veulent dire.
Allez jeter un œil sur notre cahier des charges de prothèses : Là
Peut être cela vous fera changer de perspective.
je ne suis pas aspie mais mon ami l'est et c'est vrai que ce n'est pas toujours évident au regard de ses silences, de son besoin de repli, je le comprends mais quelquefois cela fait mal, même si je sais qu'il en a besoin
merci de vos conseils et vos commentaires
Véro
Bonjour Véro,
je crains qu'en dehors des livres anglo-saxons, il n'y ai pas grand chose pour vous aider.
Le seul conseil fondamental que l'on puisse donner est d'être explicite et cesser totalement d'avoir des attentes implicites vis à vis de votre compagnon. Ce qui est certainement plus facile à dire qu'à faire pour les neurotypiques.
Un environnement "soft" en terme de lumière et de sons est également une très bonne chose. les verres teintés et-ou le casque anti-bruit peuvent énormément soulager. En attendant, que les pouvoirs publics et les médecins veuillent bien entendre nos demandes de prothèses.
Bonne chance.
Miss Titi
Bonjour, je ne suis pas aspie, mais je me suis étrangement reconnu dans beaucoup de textes traitant du sujet, de vécu de personnes aspies...
Selon certains psychiatres je serais "surdouée" ou "zèbre" ou "atypique". Je sais que ce type de personnes existe en bien plus grande proportion que les aspis dans la population, mais j'ai toujours trouvé mes 'symptomes' proches de ceux des aspis, difficultés sociale, supportant très mal l'implicite, souvent incapable de lire les émotions (ce qui s'est cependant arrangé avec de l'entrainement, mais reste aléatoire). J'ai surtout eu la chance de lire énormément pendant mon enfance, ce qui me permettait de rester relativement à l'écart des gens, ce qui m'arrangeait, et de comprendre ce qui pouvait se passer dans la tête des autres.
Ce qui me semble intéressant c'est que la définition psychiatrique de ce qui se passe dans ma tête pourrait varier selon la personne qui m'examine, selon si elle me met en confiance ou pas. Les personnes qui me mettent en confiance pourraient ne pas voir mes particularités, en particulier les personnes saines, celles qui préfèrent l'honnêteté aux formes alambiquées. En revanche, quand je ne me sens pas en sécurité, je développe ce qui de l'extérieur passe réellement pour de l'autisme, dont un repli massif ou quelques secondes de TMI.
J'ai très souvent l'impression de souffrir d'une version 'light' de l'asperger. J'ai beaucoup lu sur le sujet, il semblerait que les "atypiques" utilisent plus leur cerveau droit que les normopensants, ce qui serait plus ou moins lié à certaines formes d'autisme. Mais là encore personne n'a encore à ma connaissance fait le lien entre les atypiques et les aspis.
Est-ce que vous savez ce qui a été fait autour de cette question ?
Merci d'avance
Bonjour Runreard,
Le Réseau DÉesCAa n'a pas vocation à remplacer un diagnostic, éventuellement à donner des conseils sur comment se faire diagnostiquer si un membre à l’information pratique près de chez vous (et ça se passe sur notre forum pas sur le blog).
Tout ce que je peux dire ce que les psychiatres français ne pratiquent que très marginalement la remise à niveau de leurs compétences et que donc leurs connaissances datent de leurs études initiales.
J'ai été personnellement considérée comme surdouée avant mon diagnostic d'aspergère. Ensuite, lorsqu'on connaît mieux l'autisme, on s’aperçoit que c'est une confusion fréquente surtout en France. Ne serait ce que parce que cela est meilleur pour l'ego du corps médical et des parents.
C'est juste une illusion franco-française, le surdouement n'a pas de rapports directs avec l'autisme, il y a aussi beaucoup d'autistes bêtes ou moyens. Si vous voulez être réellement sûre, passez un test de QI (un vrai) avec le détail de vos subtests... La suite dans le forum, section "administratif"...
Pour savoir où on en est des recherches et des positions des autistes vous pouvez soit aller sur le forum si vous estimez être potentiellement autiste ou lire nos synthèses destinées aux gouvernants sur le blog : Rubrique Société
Bien cordialement
Bonjour, J'ai lu avec attention votre post et les commentaires qui ont suivi. Je suis pour ma part neurotypique (enfin ... peut-être.... un diagnostic HPE (haut potientiel émotionnel) a été posé à la suite des tests pour le SA et le HPE est incompatible d'après les spécialistes français avec le SA !!! alors qu'au Canada on peut être diagnostiquée Aspie tout en étant HPE), bref ... tout ça pour vous dire que j'ai publié il y a un an un ouvrage où j'évoque mon parcours sentimental avec un Aspie. Car mon ami, lui, a bien été diagnostiqué .... à 39 ans après avoir passé son enfance, son adolescence et son début de vie adulte a se demander pourquoi il ressemblait tant à un extra-terrestre. Mon livre s'il ne donne pas de réponse éclaire néanmoins sur certains aspects de cette relation particulière et permet aux personnes dans la même situation de comprendre enfin, et aussi de déculpabiliser. Vous trouverez sur mon site quelques extraits qui peut-être déjà vous donneront quelques pistes : *** adresse de blog ce qui est interdit **** ... Mon ouvrage Aspie je t'M dont la première édition était épuisée, vient d'être réédité. Il comprend encore plus de pages de références (ouvrages, sites, centres ressources, associations ....). Le philosophe canadien, autiste, Stephan Blackburn a accepté d'y voir publiée la lettre qu'il m'a adressée après avoir lu mon ouvrage. Voilà à toute fin utile pour ceux et celles d'entre-vous qui serez à la recherche d'un ouvrage français sur le sujet.
"Aspie "moyen", je vais essayer de décrire comment je me perçois et comment je perçois les autres." Je ne comprends pas comment vous pouvez dire ça. En tant qu'Asperger ce sont les autres qui me décrivent mais je ne peux pas le faire en me regardant moi-même. Je ne peux que parler de mon mal-aise.