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"Les Trois Médecins" : un roman d’aventures et de formation (médicale)

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Edito
Total, L’Oréal, ou la carte Vitale ?
par Christian Lehmann
Article du 24 avril 2004

Ce ne sont pas les signataires, mais le gouvernement français en la personne de Jean-Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy et Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé, qui "se réjouissent de" (après avoir activement oeuvré à) la formation de ce qui pourrait devenir le 3e géant pharmaceutique mondial : la fusion entre Sanofi-Synthélabo et son concurrent Aventis.

Quand on sait que les deux plus gros actionnaires de Sanofi-Synthélabo sont...Total et l’Oréal, quand on sait aussi que l’industrie pharmaceutique dépense 20 000 euros par an et par tête de pipe pour "l’information" (traduire : l’incitation à la prescription) des médecins français, qui voudra, après cela, nous faire croire que la préoccupation du gouvernement actuel est d’équilibrer les comptes de la santé, et en particulier ceux de la sécurité sociale ? Le cynisme et la morgue avec lequel nos gouvernants nous racontent des salades d’un côté en effectuant de l’autre, au vu et au su de tous, leurs grandes manoeuvres commerciales, témoignent de l’influence stupéfiante de l’industrie pharmaceutique sur les hommes politiques de notre pays.

(NB Stupéfiant : "substance toxique agissant sur le système nerveux, soit comme narcotique, soit comme euphorisant, et qui provoque une dépendance" - Petit Robert)

Dans ce contexte, le compte rendu qui suit, rédigé à la suite d’une édifiante table ronde autour du thème de la réforme de l’assurance maladie par
Christian Lehmann (auteur en 2003 de Patients, si vous saviez...) prend tout son sens.

MW


Mercredi 14 Avril, un débat était organisé par l’Association Dialogues à la Maison de la Chimie sur le thème " Assurance-maladie, quelle réforme ? "

La table ronde, animée par Hervé Nathan (Libération), accueillait :

 Bernard Boisson (Conseiller spécial du Président du MEDEF),
 Gaby Bonnand (CFDT),
 Jean-Marc Sylvestre (journaliste, écrivain),
 Docteur Christian Lehmann (médecin généraliste, écrivain),
 Catherine Lemoine (CGT),
 José Caudron (économiste de la santé)

(A noter : La veille, un texte intéressant avait été publié dans les pages de Libération Sécu, une réforme de fond par les membres de l’Association Dialogues, dont Jean Peyrelevade, président ; J-D Simonpoli, directeur ; P. Hourcade, trésorier et D.Cholley, secrétaire de l’association. )

Hervé Nathan, de Libération, ouvre le débat et passe la parole à JMS, évoquant le grave problème de santé semi-récent de celui-ci, à l’origine de son livre Une petite douleur à l’épaule gauche, qui l’aurait " transformé ".

On se souvient ( ou non ) que suite à ce passage à l’hôpital, JMS avait publié une tribune dans laquelle il rendait grâce à ce système solidaire qu’il avait tant vilipendé. (voir ici un texte que j’avais publié à l’époque dans Impact-Medecin, avant de dire beaucoup trop de mal de Big Pharma...)

JMS commence par expliquer qu’il n’est pas un expert et que son passage à l’hôpital ne l’a pas " transformé ", mais lui a permis d’approcher ce milieu qu’il connaissait mal. Son éditeur le lui ayant demandé, il a rédigé ce compte-rendu de son périple difficile et a brossé un rapide tableau économique de la situation. Il explique qu’il a été victime d’une maladie nosocomiale, rend grâce à ce système qui est bon à 98% puisque lui s’en est sorti (???).

Mais dans le tableau qu’il dresse de son hospitalisation, deux choses le choquent au plus haut point : La première, c’est que l’infirmière qui représentait pendant les premiers jours de son hospitalisation, alors qu’il se sentait au plus mal moralement et physiquement, son point de référence, son ancrage moral et humain... l’ait prévenue le troisième jour qu’elle ne serait pas là les jours suivants car elle était soit en repos soit en récupération. Là où vous et moi ne verrions que le processus normal du repos d’une salariée du service public effectuant un travail pénible, JMS dénonce les effets pervers des trente-cinq heures ! ;-)))

La seconde anomalie, c’est qu’il a été obligé de demander son dossier à la sortie de l’hôpital ( il remercie la loi Kouchner) pour...savoir combien ça coûte. Car figurez-vous, explique-t’il, qu’aucun médecin du service ne connaissait le prix de ses soins. Dans la salle, et du côté du Medef et de ses représentants, on hoche la tête. Quelle gabegie chez ces blouses blanches...

JMS assène le coup final : il s’est rendu compte que le traitement antibiotique qu’on lui donnait coûtait 20.000 francs par jours ( ou euros, je ne sais plus...)

Hervé Nathan me passe la parole. Je commence donc par dire que JMS, en entrant dans l’univers de la maladie, s’est retrouvé, comme tout un chacun lorsque cela arrive, dans un autre univers, un autre monde. Un monde inconnu, angoissant, effrayant, un monde sans repère. Et que son problème majeur a sans doute été de ne pas y être accompagné d’un guide. Quelqu’un qui puisse traduire, lever les craintes, expliquer, prendre sa défense si besoin, etc...

On pourrait appeler ça, pourquoi pas... un médecin généraliste ! ;-)))

Car l’un des problèmes du système de santé en France, c’est justement que nous n’avons pas un système de santé, mais un système de distribution de soins. Chacun peut avoir accès à " des soins " et s’en faire rembourser en grande partie, mais sans aucun fléchage ou aucune cohérence que celle de la bonne volonté des intervenants et de la cohérence de leurs choix. Dans un système cohérent, faut-il le rappeler, les besoins et les ressources sont mises en adéquation.

Les citoyens ont accès à des médecins de premier recours, les généralistes, dont le métier est de les prendre en charge sur le long terme dans une relation de connaissance mutuelle qui s’améliore au fil du temps et permet de mettre en ?uvre une prévention, de traiter les pathologies en cours, de savoir éventuellement respecter l’évolution naturelle d’un symptôme vers sa guérison. En deuxième recours, le généraliste peut être amené à demander à la médecine spécialisée son concours pour un avis " spécialisé ", justement, ou une exploration complémentaire demandant un matériel et des compétences spécifiques. Enfin, troisième niveau de ce système cohérent, l’hôpital prend en charge ceux des patients qui nécessitent une surveillance ou une prise en charge diagnostique et thérapeutique pluridisciplinaire plus complexe.

Le système français est loin de ce tableau : les urgences y sont désorganisées et encombrées par une foule de patients dont certains n’ont rien à faire à l’hôpital, relèvent de la médecine de ville, mais viennent là soit par facilité, parce qu’ils ne savent pas que chez certains médecins (dont les médecins référents), ils peuvent bénéficier du tiers payant, soit parce que les urgences hospitalières ne font rien pour rediriger ces patients. Les délais de rendez-vous de certains spécialistes se comptent en mois, car nombre de ceux-ci ont leurs carnets remplis de consultations... de premier recours... et les généralistes se trouvent amenés à gérer aussi bien la prise en charge globale de leurs patients que des urgences ou des cas " limites " en l’absence de spécialiste, voire à quémander au téléphone des délais moins longs, sans grand succès.

Je poursuis en disant que mon problème n’est pas de savoir " combien ça coûte ". Que JMS a bien de la chance que ses médecins hospitaliers ne se soient pas posé la question, car ce n’est pas leur rôle. Mais que cette obsession libérale du " Combien ça coûte " est si présente, qu’on la retrouve hélas dans la remise en question du tiers-payant dans le texte de l’association Dialogues publié dans Libération...

Suit Bernard Bosson , du Medef, qui tient à s’inscrire en faux. Il est scandalisé de m’avoir entendu dire que je n’en avais rien à battre du prix des traitements de JMS. C’est avec ce genre de propos qu’on creuse le déficit, explique-t’il, alors que les choses sont simples ( je sens venir le " bon père de famille " cher à Nicolas Sarkozy. ;-)))) , il ne faut pas dépenser plus que ce qu’on a en poche. C’est du simple bon sens, le bon sens libéral s’entend. Les gens doivent savoir combien ça coûte pour être res-pon-sa-bi-li-sés. Ce système où les gens ne connaissent pas le coût de leur santé est mauvais. En les faisant payer, on les fera réfléchir, ils prendront conscience. (Et incidemment, les assureurs pourront fondre sur ce nouveau marché, mais c’est là sûrement secondaire...)

José Caudron, de la Fondation Copernic, va lui sortir immédiatement du cadre borné par la pensée libérale pour oser une remise en cause de la notion même de déficit ou de dépenses excédentaires, en rappelant la part dévolue aux profits et la diminution de la part dévolue aux salaires. Cette critique argumentée de l’économie libérale trouvera peu d’échos ou même de détracteurs, comme s’il parlait d’une autre planète...

Gaby Bonnand de la CFDT, puis Catherine Lemoine, CGT parleront de la nécessité de gérer le système sans avoir recours à la privatisation, défendront (CGT) l’hôpital public et ses personnels. Selon la CGT, il ne faut pas maîtriser les dépenses de santé, simplement les financer et surtout pas par les salariés. Elle rappelle le taux de productivité français, bien supérieur à d’autres, et pose la question : si nous sommes de gros consommateurs d’antidépresseurs et d’anxiolytiques, n’est-ce pas en partie à cause du climat social ?

JMS va lui aussi se déclarer effaré de m’avoir entendu réclamer mon droit à l’indifférence de la part de ses médecins hospitaliers quand au coût de ses soins. Il va fustiger ce système où personne, surtout les patients, ne connaît le coût réel des choses et surconsomme. Il va plaider pour la responsabilisation individuelle (traduisez : diminuer la part prise en charge de manière mutualisée par la Sécu).

Il va alors s’emporter de manière lyrique contre... la carte Vitale ! Cette Carte que vous nous vantez tous comme une innovation fantastique est une totale perversion ! Personne ne sait plus combien coûte la Santé, les gens n’ont même plus besoin de payer. Sur la carte, il n’y a pas de photo, il n’y a même pas le nom... Bronca dans la salle, sur l’estrade, où les représentants de la CFDT et de la CGT, entre autres, s’inscrivent en faux contre cette étonnante - et fausse- déclaration d’un économiste sensé être au courant... JMS enfoncera le clou : Je ne connais pas beaucoup de médecins qui demandent à voir les papiers d’identité au moment de prendre la carte Vitale... ( Tu m’étonnes ! ! ! ;-))) A quand les empreintes digitales ?)

Ayant été mis en cause successivement pour mon irresponsabilité financière par le représentant du Medef et JMS, je demande la parole.

Je voudrais clarifier mon propos parce que je me rends compte que j’ai été très mal compris quand j’ai dit que je ne me souciais guère du coût des antibiotiques de JMS. Je voudrais insister sur le fait qu’il a eu de la chance, qu’il a eu extrêmement de chance que ses médecins ne partagent pas son obsession du coût. Car cette obsession libérale du tout-économique, du " combien ça coûte ? " est en fait une manière déguisée de définir " jusqu’où ça coûte trop cher.. ; " autrement dit de fixer une limite " raisonnable ". Si les médecins de JMS avaient partagé son mode de pensée, il ne serait plus là pour en parler, car à un moment, on se serait rendu compte que ça commençait à bien faire, ces dépenses, et que quel que soit la valeur du chroniqueur-journaliste sur le marché, ses dépenses avaient dépassé le quota du " raisonnable " et qu’il fallait jeter l’éponge...

Si JMS est vivant, c’est bien parce que les médecins ne raisonnent pas comme lui, en terme de coût, mais doivent raisonner en terme d’efficacité pour le patient. L’unique objectif est l’intérêt médical du patient, le prix est secondaire. Mon problème n’est pas " ce médicament est-il trop cher ? " mais " ce médicament est-il nécessaire à mon patient ? " Et là, pour le déterminer, je suis seul dans la jungle avec ma bite et mon couteau. Parce qu’aucun des économistes ici présents n’a envie de parler du coût des médicaments, ni du poids occulte des firmes pharmaceutiques sur notre sécurité sociale mutualisée.

Qui ici sait que les firmes dépensent 20.000 euros par an et par médecin pour les " informer " et agir sur leurs prescriptions ? Long laïus sur le manque de courage des politiques, l’exemple du déremboursement en catimini du fluor 8 ans après que l’inutilité de sa prescription systématique aux enfants en bas âge ait été publiée dans Prescrire ( ce qui n’empêche pas les bébés de sortir de l’hôpital avec une prescription systématique dans la grande majorité des cas) , l’exemple de la désinformation entretenue d’abord auprès des futurs patients puis auprès des médecins sur la supériorité des coxibs sur les anti-inflammatoires classiques, à coup d’études tronquées permettant aux firmes de se mettre des milliards indûment dans la poche, exemple de manipulation des pharmacies hospitalières à qui sont vendus un centime le comprimé des médicaments que le patient paiera ensuite de sa poche 10 francs le comprimé en ville, dans le but d’impulser la consommation sur le long terme, exemple enfin de ces " fausses innovations " que sont les énantiomères ou métabolites qu’on met sur le marché pour éviter la percée d’un générique (je cite le Mopral qui est dans Libérationle jour même).

JMS ne dit rien, les libéraux non plus d’ailleurs en découvrant ( ne le savaient-ils pas ?) que certains médecins ne sont pas dupes de la double casquette du Medef, brandissant le bâton devant patients et médecins " dépensiers " mais bien incapables d’aller s’intéresser aux arrières-cours des véritables profiteurs du système. (Dans le Courrier de Libération, un spectateur écrira ceci : Un médecin, intervenant au colloque, a décortiqué pendant de longues minutes les mécanismes mis en jeu par l’industrie pharmaceutique pour conserver ses positions et échapper aux contraintes d’autolimitation imposées à tous. Juste après lui, le conseiller spécial du Medef a fait une longue déclaration, dans laquelle il s’en prenait spécifiquement aux dépenses de médecine de ville indiquant que, pour son organisation, la priorité devait être donnée à ce secteur, et que, dans son esprit, cette maîtrise revenait à mener une politique sévère sur les revenus des professionnels de santé. Ce discours pourrait être audible s’il ne s’accompagnait d’une prudence de Sioux sur l’hôpital et, surtout, d’un silence total sur le médicament.

JMS reprend le micro alors pour dire qu’il n’avait pas compris mon propos, qu’il saisit mieux la différence entre " se préoccuper du coût OU de l’efficacité ". Mais il me dit alors Vous devez reconnaître que vous êtes la seule profession à ne pas accepter d’être évalués...

J’omets de demander qui évalue les spécialistes de l’économie... mais réponds, car il avait proposé, si je me souviens bien, comme le représentant du Medef , que soient sanctionnés les " mauvais médecins ", ceux qui prescrivent trop de lignes d’ordonnance. Ainsi il avait été demandé au représentant de la CFDT pourquoi, lui qui avait à la Sécu les statistiques, pourquoi il ne poursuivait pas " ceux qui prescrivent trop ". Je réponds que ce n’est pas possible et que la question est beaucoup moins simple qu’il n’y paraît.

Un généraliste répond habituellement à plus de deux motifs de consultation différents par consultation. Sachant que les patients ont souvent plusieurs pathologies ou symptômes intriqués, que la prise en charge " idéale " d’un patient diabétique est actuellement de trois voire quatre médicaments différents pour la seule prise en charge optimale de son diabète, comment ne pas dépasser trois lignes d’ordonnance si on prend en charge globalement ce patient et qu’il présente ce jour là une bronchite et un ongle incarné ? Préférez-vous qu’il multiplie les consultations chez X spécialistes ou généralistes différents pour rester dans le cadre de votre vision comptable ?

Silence du côté des libéraux, ça devient soudain plus compliqué et pas simplement accessible à des slogans simplistes du type " les médecins sont des irresponsables et les patients consomment trop ".
Je dis, encore une fois, que le problème est de mettre en place un système cohérent de prise en charge des patients, pas de les taxer PLUS. D’évaluer les techniques et les médicaments de manière réellement indépendante, en particulier des pouvoirs politiques et financiers.

Enfin je rappelle que nous devons à nos brillants économistes le déficit à venir en médecins. La médecine est faite par des hommes et des femmes. On l’a oublié et ça revient comme une évidence aujourd’hui . Des hommes et des femmes, de plus, qui n’acceptent pas de travailler dans de mauvaise conditions avec des horaires trop importants, afin de préserver leurs compétences et la sécurité des patients. Le repos de l’infirmière de JMS n’est pas un " effet pervers des 35 heures ", il est normal.

Je finis en reparlant de cette obsession de la res-pon-sa-bi-li-sa-tion individuelle. " Ce qui vous gêne, dans la Carte Vitale, c’est que les pauvres puissent l’utiliser. Que les riches sortent une Carte Bleue pour consommer du soin, ça ne gêne personne. J’ai bien entendu ce matin sur France-Inter JMS expliquer que le problème en France, c’était le manque de confiance et la consommation insuffisante, alors qu’aux USA les américains se remettaient à acheter des réfrigérateurs et des bagnoles. La consommation, toujours la consommation... mais ce qui vous hérisse avec la Carte Vitale, c’est que l’accès des pauvres aux soins, leurs " dépenses " de santé, soient mu-tua-li-sées... Que les pauvres puissent avoir droit aux mêmes soins que les riches, ça vous dépasse... "

Intermède avant la deuxième partie, entretien entre Jean-Pierre Davant de la Mutualité Française et Claude Bébéar, " président de l’institut Montaigne " (et accessoirement d’AXA...) débat animé par Serge July de Libération.

Mes patients, pauvres et dispendieux, mais munis de la fameuse Carte Vitale, m’attendent. Je m’éclipse et raterai donc le plaidoyer de Claude Bébéar pour un système de santé dans lequel tous auraient droit aux soins mais les riches, ceux qui peuvent se le payer, pourraient avoir droit à du " luxe ".

Dommage, j’aurais aimé entendre ça de mes oreilles tant c’est consternant.

A double titre : en premier lieu parce que ce luxe tant vanté par ceux qui ont choisi de devenir prestataires de services de soins pour riches crédules (et assurés chez AXA ?) au lieu d’être médecins, c’est la porte ouverte à toutes les escroqueries anti-âge et autres interventions de pseudo-confort sans aucune base scientifique (après tout, me direz-vous, les libéraux n’auront que ce qu’ils méritent ;-))) ; en second lieu parce que dans ce type de système, il n’y qu’à voir les délais de consultation publique ou privée à l’hôpital, la part donnée au public et à l’essentiel est vite réduite, du fait même de la pénurie en hommes et en femmes, au profit de ce " luxe " qui se veut innocent mais détourne au bénéfice de quelques-uns un savoir et une compétence utiles à tous.

Dans le couloir, un homme m’aborde. "Vous avez été injuste avec l’industrie pharmaceutique... On ne peut pas dire qu’ils désinforment les médecins..."

Je jette un oeil rapide à son badge. Il semble s’agir d’un ancien conseiller de l’équipe Mattei. Je réponds avant de lui fausser compagnie :

" Oui, je vous comprends. Si j’étais membre de l’équipe Mattei, je partagerais probablement cette opinion. Mais je ne le suis pas. "

Christian Lehmann

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