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"Les Cahiers Marcoeur", 34e épisode
LE DOSSIER VERT, 13
Article du 15 août 2004

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LE DOSSIER VERT, 13

(Extrait des notes dactylographiées de Peter L. Yuth)

[...]
Les éléments qui définissent le mieux un Cahier sont le support et l’outil, l’unité de lieu et la durée. La date est toujours mentionnée sur les cahiers qui, nous l’avons vu, sont les supports de la première période des Cahiers, et des Cahiers Magnifiques. Il en va de même lorsque R.M. aborde sa période informatique (*), ne serait-ce que parce que le logiciel de traitement de texte qu’il utilise alors inscrit automatiquement la date au début des textes (**). La date peut manquer lorsque R.M. se met à écrire sur des supports moins classiques (murs, sols, portes, etc.) ou plus exigus (tickets de transport ou de caisse).

Quand elle manque, il est assez facile de la déterminer en raison de la brièveté de cette seconde période (deux ans). Lorsque, contre toute attente, les Cahiers commencent à s’inscrire sur des feuilles blanches, toute mention de temps ou de durée (même si elle concerne un évènement ou un écrit passé, chose courante dans le Manuscrit C.H.E.K.) disparaît totalement. Ce n’est que grâce au patient travail de collection de Jérôme Cinoche que nous pouvons dater le travail de Marcoeur pendant les quelque neuf mois que dure cette ultime période d’écriture.

[...]
R.M. a longtemps fui les feuilles blanches comme la peste. On peut donc se demander comment il passe d’une succession de cahiers tous différents les uns des autres (toujours lignés, cependant) à ce support sans particularité ? A l’écriture nue ?

Il achetait des ramettes et en sortait les feuilles l’une après l’autre pour écrire dessus. Il partait, les feuilles vierges sous le bras, une fois le texte fini. Lorsque le stylo était vide, il le laissait également. Parfois, il consacrait un outil donné à un seul texte et l’abandonnait à moitié plein. Il est rare qu’une feuille soit à moitié pleine. Lorsque le texte en cours ne couvre que le recto, RM la déchire en deux et colle les deux moitiés l’une contre l’autre. Lorsque le verso n’est qu’à moitié couvert de texte, il sort un de ses feutres indélébiles et noircit le reste de la feuille. On reconnaît bien là deux caractéristiques de l’écriture de RM : couvrir, ne laisser la place à rien et à personne d’autre. RM veut que l’on trouve ses textes, il ne tolère pas l’idée qu’on puisse inscrire quoi que ce soit dans leurs interstices ("C’est moi qui caviarde" comme le proclame un de ses fameux Pamphlets-en-marge)(***)

[...]
L’extrême diversité des supports ne provient pas d’un simple désir de changer ou du choix d’une contrainte arbitraire. Elle procède au contraire d’un mode de pensée. De même que lieux et gens agissent dans leur variété sur la perception d’un individu pour susciter de multiples réactions physiques ou mentales, les supports agissent sur l’écriture de Marcoeur. Chaque support stimule chez Marcoeur un pan d’imaginaire spécifique.

Ce qui nous permet d’affirmer que Marcoeur n’est pas UN écrivain, mais une pluralité d’écrivains. Il faut cependant réfuter vigoureusement l’hypothèse (émise par un journaliste de toute évidence mal informé dans un hebdomadaire de grande diffusion) selon laquelle les Cahiers seraient l’oeuvre de plusieurs personnes, unies par je ne sais quel projet occulte - on peut lire, sous la même plume, le terme bien excessif de "machinerie" - visant à déstabiliser la "communauté littéraire tourmentaise " (et pourquoi pas mondiale ?). Outre le caractère parfaitement gratuit et dénué de fondement de ces assertions, l’appartenance du signataire de l’article à cette même "communauté littéraire" fait naître bien des interrogations. Il est vrai que la grande multiplicité des écritures de Marcoeur doit être difficile à supporter pour qui n’en finit pas de réécrire le même sempiternel roman "littéraire" (****)


(*) Penser à parler d’une expérience informatique restée sans trace mais qui n’en est pas moins fascinante. On sait que la plupart des traitements de texte permettent de stocker en mémoire de petites combinaisons de deux touches résumant une longue séquence de mots ou de lettres. Ainsi, au lieu d’avoir à taper à chaque fois une série récurrente et fréquemment utilisée (par exemple : LES CAHIERS MARCOEUR, volume IX — Sous la direction de Jérôme Cinoche) on enregistre ces mots sous un code (par exemple, CM) et on ne frappe que ces deux lettres suivies d’une des touches spéciales du clavier (par exemple F3) pour faire apparaître l’ensemble de la séquence. On peut également "reconfigurer" un clavier d’ordinateur en fonction de ses besoins, c’est à dire affecter à certaines touches une fonction autre que celle qu’elles ont à l’origine.

Une des recherches effectuées par RM lorsqu’il eut un ordinateur sous la main consista à exploiter ces possibilités en reconfigurant le clavier pour que chacune des touches provoque l’affichage, non d’un lettre ou d’un signe, mais d’un mot courant, tandis que les codes utilisant deux touches (donc deux mots) provoquaient l’affichage d’une phrase entière. Une fois cette reconfiguration faite, il écrivit — si l’on peut dire — un texte dont nous n’avons que le titre : Tout un programme ! Il existe certainement une copie papier de ce texte mais l’ordinateur utilisé a été "déconfiguré" par RM avant de le restituer à son propriétaire (il s’agissait d’un emprunt). Notons ici que le texte ne constitue pas l’oeuvre à lui seul, il n’en est que la partie visible (enfin, théoriquement...). Toute la partie conceptrice de ce "Cahier" est irrémédiablement perdue : quels mots Marcoeur utilisa-t-il ? Quelles phrases ? En l’état actuel des choses, la lecture de la copie papier, si nous la retrouvons, ne permettra pas de distinguer les mots obtenus avec une touche, des mots inclus dans des phrases stockées... Ici, la spécificité de l’ordinateur, qui remplit à la fois la fonction d’outil et de support rend l’analyse génétique de l’ouvrage quasi impossible.

(**) Noter, à ce sujet, que nous ne disposons que d’un seul Cahier de cette époque, à proprement parler. Il s’agit d’un texte (incomplet : le début et la fin ont disparu et il ne semble pas au vu des autres textes dont nous disposons, que ceux-ci figurent sur d’autres supports. Le leitmotiv de R.M. (Un support, un outil, un texte) ne doit ici non plus pas trouver son exception) rédigé sur 38 mètres de papier accordéon, et accompagné d’un plan de Tourmens. Au dos de ce plan, une cinquantaine de lignes tracées au crayon racontent le séjour que R.M. aurait fait dans une maison du Vieux Tourmens, séjour au cours duquel ce "Cahier informatique" fut rédigé. Une croix au crayon sur le plan en précise la localisation. Il s’agit de la rue des Merisiers, la rue de son enfance. R.M. décrit la maison (la bâtisse du bout de la rue avec sa grande porte de bois ornée d’un heurtoir en forme de poisson, et sa cour aux fausses fenêtres) et précise que son texte existe sous la forme d’une disquette de sauvegarde, au format trois pouces et demi, rangée parmi "les livres de la Bibliothèque".

Le "Cahier informatique" fut déposé devant la porte de Bernard Gutyer un beau matin de printemps, après une des longues périodes d’absence de Marcoeur. B.G. nous a confié avoir cherché la maison et l’avoir effectivement trouvée. Il raconte : Les pièces étaient complètement vide. Rien n’indiquait que Raùl venait d’y séjourner trois semaines.. Il y avait bien des étagères de bibliothèque sur les murs d’une pièce centrale, mais rien d’autre. De toute évidence, ce lieu était inhabité depuis plusieurs années. (Mes rencontres avec Marcoeur - sous presse)

(***) Textes que Marcoeur rédigeait sur les pages de livres de grande diffusion, en général dans les librairies. Marcoeur parasitait ainsi les ouvrages d’auteurs qu’il ne pouvait pas supporter. Il gratifiait ainsi de son animosité tous les ouvrages de Marc-Martin Vingredin. Impossible de dire pourquoi.

(****) Et la publication du volume IX doit le mettre en rage, cet imbécile, lui qui écrivait il n’y a pas si longtemps que Cinoche était un homme fini et enterré.

(Cette dernière note est manuscrite)

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