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Les jeux vidéos rendent ils épileptique
23 septembre 2002

23 août 2004

D’abord, une petite rectification. Vendredi, j’ai voulu expliquer pourquoi le ciel était bleu et, pan sur le bec !, plusieurs auditeurs m’ont écrit que mon explication était... nébuleuse.
Alors, je reprends. Si le ciel est bleu, c’est parce que les gaz et les molécules que contient l’atmosphère captent surtout les rayonnements bleu, indigo et violet émis par le soleil et les réémettent dans tous les sens, nous donnant ainsi le sentiment que le ciel est bleu. Merci à tous ceux qui m’ont corrigé.



Et puisqu’on est dans le rayonnement, je vais vous parler de la panique qui s’est emparée des médecins et des parents il y a quelques années autour des jeux vidéo. Quelques enfants avaient fait des crises d‘épilepsie en jouant avec leurs consoles. Comme d’habitude, ces quelques cas avaient été multipliés par cent dans les médias et on s’était mis à dire que les jeux vidéo « rendaient » épileptiques et que c’était bien la preuve qu’ils étaient nocifs pour les enfants.

La réalité était tout autre, vous allez voir. Qu’est-ce qu’une crise d’épilepsie ? C’est une sorte de décharge électrique anormale dans le cerveau. Lorsqu’elle survient, la personne tombe brusquement sur le sol, perd connaissance, est prise de mouvements désordonnés et convulsifs et se mord parfois la langue. Dans la majorité des cas, les convulsions cessent spontanément au bout de quelques secondes ou de quelques minutes.
Au bout de quelques minutes encore, la victime se réveille, elle est confuse ne se souvient pas de sa crise. Il y a encore trente ou quarante ans, on étiquetait comme étant épileptiques toutes les personnes qui avaient fait ne serait-ce qu’une seule crise convulsive et on leur imposait de prendre des barbituriques à vie.
Aujourd’hui, on n’est plus aussi catégorique, car on sait qu’une crise convulsive peut être le symptôme d’autre chose qu’une épilepsie (une intoxication, une tumeur, un traumatisme, etc.).
De plus, il arrive très souvent qu’une crise convulsive ne se reproduise jamais. Par exemple, chez les nourrissons et le petit enfant, la plupart des crises convulsives sont dues à des poussées de forte fièvre et non à une épilepsie. Dans ce cas, neuf fois sur dix, la première crise est aussi la dernière.

Il arrive bien sûr qu’une personne, enfant ou adulte, fasse plusieurs crises convulsives. S’il n’y a pas de raison apparente, les médecins recherchent s’il s’agit d’une « épilepsie vraie », maladie neurologique qui provoque des convulsions à répétition. Le patient subit alors un électroencéphalogramme : on lui colle des petits capteurs sur le crâne et on enregistre les signaux électriques produits par le cerveau. L’aspect de l’enregistrement est parfois très évocateur d’une épilepsie, mais parfois il n’est pas concluant.
On essaie alors de provoquer une crise en faisant respirer le patient très vite, ou bien en lui envoyant au moyen d’une lampe flash des éclairs lumineux à intervalles plus ou moins rapprochés. C’est ce qu’on appelle la stimulation lumineuse intermittente. Ce qui nous ramène aux jeux vidéo. Quand un jeu produit des éclairs lumineux à intervalles réguliers et rapides, il peut, chez un enfant prédisposé à l’épilepsie, déclencher une crise.
Le jeu vidéo ne rend pas l’enfant épileptique, il ne fait que révéler une épilepsie qui serait apparue à une autre occasion. Et rappelons encore une fois que ce phénomène est très peu fréquent, même chez les enfants épileptiques ; inutile donc de vivre dans l’angoisse.

Et je terminerai par une anecdote : dans la fac de médecine où j’étais étudiant, on racontait qu’une crise d’épilepsie avait causé la mort d’Albert Camus. D’après cette légende, Camus conduisait à grande vitesse le long d’une route bordée de platanes.
La lumière du soleil levant, clignotant entre les arbres, aurait déclenché sa crise ; il aurait perdu connaissance, quitté la route et percuté un arbre. Mais ce n’est qu’une légende, car Camus ne conduisait pas ; c’était Michel Gallimard, neveu de l’éditeur Gaston, qui tenait le volant de la Facel-Vega, et il roulait très vite sur une route glissante...

Comme quoi, les écrivains sont souvent à l’origine de légendes extravagantes, même dans le milieu médical.




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