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Etudes de médecine : à Marseille, ça n’est pas mieux
par S. Varel

27 avril 2005

Cher fan de Buffy contre les vampires,
Je vous écris depuis le cœur des flammes de l’Enfer, afin de répondre à votre vibrant appel concernant les études de Médecine…

Je suis étudiant en D4 [1] à Marseille - eh oui, je suis un « vieux », plus proche de la quille que du bizutage ! Permettez-moi de vous raconter comment les choses se passent dans le sud… (ma lettre est un peu longue, bon courage !)


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Je commencerai pas un retour rapide sur les « premières années » (P1-P2-D1) :

- A Marseille comme ailleurs, la P1 est un calvaire sans nom sélectionnant des bêtes à concours aux dents longues ; j’ai eu le plaisir de la passer 2 fois, et j’ai vraiment l’impression d’y avoir laissé une partie de mon bon sens.

- La réussite au concours s’accompagne de l’inévitable stage infirmier pendant l’été, premier contact avec la maladie, la souffrance et la mort… auquel l’étudiant n’a nullement été préparé ! Le bénéfice de ce stage dépend fortement du service dans lequel on tombe, certains de mes amis ayant passé un mois à plier des draps. Pour ma part j’ai atterri en chirurgie urologique et tout s’est bien déroulé, même s’il fallait avoir le cœur bien accroché !

- Puis vient la P2 : au milieu de cours pour l’essentiel théoriques, LA demi-journée de stage par semaine rappelle aux étudiants qu’ils suivent bien des études de Médecine, et non de biologie. Mon stage a consisté en une visite guidée des différents services de la Timone… Sur le plan médical c’était diablement inutile, les Assistants étant bien souvent trop débordés pour nous apprendre quoi que ce soit, mais je me suis fait un tas de copains.

- En D1, les choses deviennent plus sérieuses : les cours se font un peu plus pratiques (un peu, hein) et l’étudiant bénéficie de trois matinées de stage par semaine, en alternant laboratoires, radiologie, et services de médecine. C’est l’occasion de rencontrer les « externes » des années supérieures, qui nous montrent, selon leur humeur, comment examiner un patient et ranger la biologie par ordre alphabétique (crucial).

Je ne suis pas le premier à le dire, ces 3 années (voire 4 pour moi !) pourraient aisément être regroupées en UNE SEULE ANNEE dotée d’un programme cohérent et profitable… Mais le meilleur est à venir !

Mon arrivée en D2 a coïncidé avec la réforme de l’ENC [2] L’enseignement a alors connu de profonds bouleversements : de facultatifs, les cours sont devenus obligatoires, feuille de présence à l’appui (un fort taux d’absence étant sanctionné par l’interdiction de passer la matière aux partiels !), à raison de 3 après-midi par semaine, par petits groupes de 40. Notre Doyen ne s’est pas caché de ses objectifs : assurer la réussite de la FACULTE de Marseille à l’ENC (et non pas la réussite individuelle des étudiants… Quant à leur formation médicale, il n’en a jamais été question).

Une précision s’impose, car l’idée d’enseigner la médecine par petits groupes peut sembler bonne… Si ce n’est qu’en aucun cas et à aucun moment pendant ces 3 ans, il n’a été question d’enseignement.

En effet, nous étions censés arriver aux ED en ayant déjà lu et assimilé les items prévus (1 item = 1 question d’internat), publiés par la faculté sous forme de polycopiés. Sachant que chaque item compte environ 30-40 pages et que l’on étudiait 2 à 3 items par après-midi, le tout 3 fois par semaine, vous imaginez la somme de travail colossale exigée. Mais généralement, les profs ne voulaient rien savoir : même si vous sortiez de garde, il était impensable de ne pas avoir lu « leur » cours !

Les ED en eux-mêmes consistaient en la rédaction, puis à la correction de cas cliniques, de niveau internat, portant sur les items que l’on venait de lire… Malheureusement, nos professeurs n’ont jamais compris qu’il était impossible de maîtriser un cours en une seule lecture, et nous étions souvent traités d’imbéciles ou pire, de fainéants.

Le plus drôle, c’est que les items ne suivaient aucun ordre logique, ils n’étaient même pas regroupés par matière ! On pouvait par exemple commencer l’après-midi par « insuffisance surrénale », poursuivre par « troubles de la marche chez le sujet âgé » et finir avec « cancer bronchique », tout ça dès la D2 ! Un exemple éloquent : mon premier item de cardiologie portait sur « les troubles de la conduction intra-cardiaque » ; ce jour là personne ne comprenait rien et le prof se déclara abasourdi par tant d’ignorance (à vrai dire nous n’avions jamais vraiment lu d’ECG !) ; parallèlement, le dernier item de l’année fut : « méthode d’interprétation d’un ECG normal »… J’ai cru devenir fou plusieurs fois !

Peut-être serait-il bon de rappeler un principe de base à nos enseignants : avant d’apprendre à voler, il faut apprendre à marcher ; et on ne demande pas à un élève de CP d’écrire une thèse sur Kant.

Cette méthode implacable a cependant été répétée en D3 et D4.

Pour mon plus grand malheur, la promotion au-dessus de la mienne a obtenu d’excellents résultats à l’ENC 2004 (première faculté de Province si je ne m’abuse !), preuve s’il en fallait que « la méthode marseillaise » était la meilleure. Conséquence : nos profs se sont attribués le succès de nos aînés et nous ont rabaché que nous devions « faire au moins aussi bien qu’eux » ! Ambiance concours quand tu nous tiens…

Une autre spécificité Marseillaise qui fait jaser les autres facultés (et pour cause…) : la « dispo ». En effet, la faculté de Médecine de Marseille offre (impose serait plus juste) à ses D4 trois mois et demi de « révision »… Ainsi, depuis le 1er mars, et ce jusqu’au concours (15 et 16 juin), je n’ai ni hôpital, ni cours à la fac… Et mes journées se résument à lire et relire mes cours en long en large et en travers, sans aucun contact, ou presque, avec le monde extérieur. Moi qui pensais qu’une fois la P1 passée on nous ENSEIGNERAIT intelligemment un métier intéressant… Si c’était à refaire, je ferais jardinier – et je plaisante pas.

Personnellement, ces méthodes encourageant le bachottage intensif ne me conviennent pas du tout ; l’ENC se résume à une « chasse aux mots clés » qui ne nous prépare pas à notre futur métier et favorise le « par-cœur » à la réflexion (je ne parle même pas des rapports humains). On nous entraîne à répondre à des cas cliniques, pas à soigner des vrais gens.

A mon grand désespoir, nous ne sommes qu’une infime minorité au sein de ma promotion à déplorer ces méthodes ; la plupart de mes collègues ne voient pas le problème : il suffit d’apprendre chaque item comme une poésie et à recracher les conduites à tenir… à quoi bon essayer de comprendre ?

C’est dans ces moments là qu’on réalise à quel point les méthodes de sélection de P1 sont catastrophiques. Dire que cela me chagrine est encore loin de la vérité.

Autre détail : les 2/3 du programme de l’ENC sont couverts pendant la D2 (grosse grosse indigestion, donc !) afin que nous puissions refaire plusieurs fois le programme dans les années ultérieures. Mieux : en D2 nous effectuons une trentaine de gardes, contre 10 en D3 et AUCUNE en D4 (toujours pour encourager le travail personnel). N’est-ce pas paradoxal de voir s’amenuiser les heures à l’hôpital à mesure que nous approchons du métier d’Interne ?

En ce qui me concerne, j’ai abandonné tout espoir de finir bien classé à l’ENC ; d’une part je m’en fous, étant donné que je veux devenir Généraliste, et d’autre part je préfère quitter le cursus hospitalo-universitaire au plus vite. Les Assistants carriéristes et les Professeurs Messianiques, très peu pour moi (je caricature, mais grosso-modo…) Je suis sûr que mes choix de périphérie en tant qu’Interne en MG m’apprendront plus que toutes ces années en CHU. En attendant, je redoute mon premier stage d’interne – j’ai REELLEMENT peur d’être dangereux pour les patients ! (je ne plaisante pas, M. Winckler, si vous voyiez l’un d’entre nous devant un malade, vous paniqueriez…)

D’ailleurs concernant la MG, nos profs n’ont eu de cesse de la rabaisser. La blague récurrente : « Si vous ne travaillez pas, vous finirez MG en Lozère ! ». Et alors ? En quoi est-ce une honte ? Il faut laisser mourir les gens, en Lozère ?

Au sein de ma promo, c’est la même rengaine ; j’en ai assez de m’entendre dire « je veux faire N’IMPORTE QUELLE spécialité, même labo, plutôt que généraliste ». Pourquoi ? « Parce qu’on gagne moins, c’est moins prestigieux, et c’est plus dur ». Vouloir faire une spécialité parce qu’on l’aime c’est très bien, mais vouloir seulement refiler les corvées aux autres, ça en dit long sur « le corps médical ».

Enfin, sur le plan hospitalier, mes collègues des autres faculté ont parfaitement résumé la situation : on passe plus de temps à ranger la bio ou à faire des corvées (sillonner l’hôpital à la recherche d’une radio égarée) qu’à apprendre la médecine ou les rapports humains. Mais il y a tant à dire que cela mériterait une autre lettre !

J’aimerais conclure cette lettre par un message adressé aux étudiants en Médecine qui viennent sur ce site :

Je partage votre douleur ! Le système au sein duquel nous évoluons et les méthodes d’enseignement lobotomisantes que nous subissons sont ABERRANTS. Faire Médecine est une souffrance, un calvaire, alors qu’à la base on est là pour aider les gens ! C’est paradoxal, non ? On veut faire le bien autour de nous et on en prend pour 10 ans de bagne ! De quoi décourager les plus motivés… Mais même si ce n’est pas facile, efforcez-vous de ne pas tomber du côté obscur… Sortez le nez de vos cours de temps en temps… Allez au cinéma, aérez votre esprit, parlez à des gens qui ne sont pas du milieu… C’est encore le meilleur moyen de garder un peu de recul.

Malgré ce que vos profs tentent de vous inculquer, essayez de ne pas considérer vos collègues comme des « adversaires ». Il ne tient qu’à VOUS de ne pas perpétuer l’ambiance pourrie et hypercompétitive qui entoure l’ENC, et à cesser d’entretenir le mépris envers la MG. Essayez d’apprendre vos cours dans l’optique de soigner des « vrais gens » et pas seulement pour grapiller 2-3 points à l’ENC. Profitez des stages autant que vous le pouvez – il y a toujours quelque chose à en tirer, ne serait-ce que sur le plan humain…

Avec le Papy-Boom qui se profile à l’horizon, nous serons bientôt les principaux acteurs du « paysage médical ». Il ne tient qu’à nous d’améliorer les choses.

S. Varel

P.S.


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[1Sixième année de médecine

[2Examen National Classant, successeur de l’Internat.




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