Ces pratiques ont l’air courantes, à ce que j’ai vu, dans certains hôpitaux alsaciens, et d’après les discours de certaines participantes travaillant comme infirmières, il me semble que le motif serait surtout le "confort" des médecins, aucun ne voulant pratiquer une aspiration après un certain stade.
Il me semblait pourtant que les recommandations officielles étaient de laisser à la patiente le choix de la méthode, et de ne pratiquer les IVG médicamenteuses qu’avant 7 SA, l’efficacité étant moindre ensuite.
(Note de MW : C’est tout à fait vrai : voici l’état de la réglementation actuelle (sur le site officiel IVG.GOUV.FR))
Quel est votre avis à ce sujet ? Evidemment, quelques témoignages sur un forum ne permettent pas d’avoir une idée précise d’un phénomène, mais j’ai l’impression qu’à certains endroits on traite vraiment très mal les femmes voulant avorter (et que celles-ci sont vraiment en situation de faiblesse car de toute façon elles n’ont pas le choix). Si vous connaissez des associations qui pourraient enquêter un peu plus sur ce sujet, et dénoncer les mauvaises pratiques s’il y en a, ce serait sans doute salutaire.
E.
Réponse de Martin WInckler
(NB : Je rappelle que je parle ici en tant que médecin praticien travaillant dans un centre de planification (CH du Mans), et ayant pratiqué des IVG entre 1984 et 2007 dans le cadre du centre d’IVG du même hôpital...)
Mon avis est simple et très clair et fondé sur la législation :
— d’après les récentes recommandations publiées fin 2010 par la HAS (Haute autorité de la Santé),, une IVG par mifégyne (associée à une prostaglandine) est désormais possible et autorisée, en centre spécialisé, jusqu’à 9 SA (9 semaines d’aménorrhée - délai depuis les dernières règles). Au-delà de ce délai, l’utilisation de la mifégyne associée à une prostaglandine n’est ni recommandée, ni autorisée, car elle est souvent un échec (expulsion incomplète nécessitant une aspiration) ; au-delà de 9 SA (car la datation échographique peut avoir quelques jours d’imprécision), on expose la patiente à des accidents et ce n’est pas acceptable ; jusqu’à 7 SA, l’IVG médicamenteuse est possible en ville, auprès d’un médecin (généraliste ou gynécologue) spécialement formé et agréé par le centre d’IVG le plus proche ; jusqu’à 9 SA la patiente DOIT avoir le choix de la méthode si les deux méthodes sont disponibles (et dans un centre d’IVG agréé, elles le sont toujours) ;
— en tout état de cause, une IVG médicamenteuse au-delà de 9 semaines n’est pas autorisée par la loi, et n’est pas recommandée en l’absence de données scientifiques probantes ; en plus de la mifépristone (RU 486), les médicaments administrés (prostaglandines) entraînent de puissantes contractions utérines et ne sont pas dénués d’effets secondaires (en particulier après 35 ans et chez les femmes qui fument, ce qui en contre-indique l’utilisation). Tout centre qui pratique des IVG médicamenteuses au-delà de ce délai le fait à titre expérimental et doit donc remplir les critères d’une expérimentation clinique (qui inclue le consentement informé et écrit des patientes concernées). Hors d’un cadre autorisé par le centre hospitalier et par la réglementation (loi de protection des patients dans le cadre des essais cliniques), cette expérimentation est interdite.
— l’IVG médicamenteuse en ambulatoire (prescrite au cabinet d’un médecin formé, dans le cadre d’un agrément avec le CIVG de sa région), reste autorisée seulement jusqu’à 7 SA.
— on ne peut pas imposer une IVG médicamenteuse à une femme qui n’en veut pas, même avant 9 SA (mais on peut lui faire savoir, à juste titre, qu’une aspiration trop tôt - avant 6 ou 7 SA - peut être inefficace, tout comme une IVG médicamenteuse trop tardive, après 9 SA, peut être inefficace..)
D’ailleurs, je rappelle qu’un médecin, d’après la loi, n’a pas le droit d’imposer QUOI QUE CE SOIT à un(e) patient(e), qu’il doit lui expliquer toujours précisément ce qu’il fait et lui demander son consentement à tout moment (je vous renvoie à Les Droits du patient, le livre que j’ai co-signé avec Salomé Viviana, magistrate et spécialiste du droit de la santé).
AUCUN GYNECOLOGUE, GENERALISTE OU CENTRE HOSPITALIER FRANCAIS NE PEUT IGNORER CES CONDITIONS DE PRESCRIPTION.
Et enfin : si vous avez entendu parler, ou subi une IVG médicamenteuse hors de ces délais légaux et hors d’un protocole d’essai clinique depuis fin 2010, vous êtes en droit de le signaler à la DDASS, au conseil de l’Ordre et au tribunal d’instance, car les médecins responsables sont passibles de prison. En ne respectant pas les protocoles établis, ils mettent, en effet, la santé et la vie des patientes en danger. Ce n’est, encore une fois, pas acceptable, et cela doit être dénoncé, tout comme on dénoncerait un médecin qui viole une patiente ou qui maltraite une personne âgée, ou qui pratique des interventions de chirurgie esthétiques sans objet.
Pratiquer la médecine ça ne consiste pas, pour un soignant, à plier les patients et les techniques à son confort propre ; ça consiste à donner les meilleurs soins, conformément aux pratiques reconnues et validées, et dans le respect de la loi et de la personne. Imposer, maltraiter, enfreindre, ce n’est pas du soin et ce n’est pas de la bonne pratique médicale.
C’est une violence. Et il n’y a aucune raison de la subir sans rien dire.
Les médecins qui profitent de la situation de détresse des femmes demandant une IVG en leur imposant contre leur gré une méthode dangereuse et illégale ne valent pas mieux que les dangereux avorteurs clandestins [1] qui sévissaient avant la loi Veil ;
Merci à CP pour m’avoir indiqué les nouvelles recommandations de la HAS
Martin Winckler (Dr Marc Zaffran)