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Quand un médecin passe de l’autre côté de la pancarte...
Un texte de Bruno S
Article du 5 janvier 2004

Non, Bruno S n’est pas un personnage de roman, mais un individu bien réel, et son expérience, toute récente, est authentique. MW


L’année 2003 sera pour moi la découverte de la médecine côté patient, ma " douce et tendre " et moi-même ayant eu pour la première fois, à la quarantaine passée, quelques soucis de santé bien réels.

Nous sommes tous deux médecins, formés dans les années 80 dans une faculté de médecine parisienne regroupant deux grands hôpitaux universitaires prestigieux. Issus de l’enseignement médical français, nous pensions avoir bénéficié de la meilleure formation possible puisqu’il s’agit d’un des systèmes de santé les plus efficaces au monde, et que nous en serions satisfaits en tant que " consommateurs ".

C’est pourquoi, fort de mes expériences récentes, je voulais écrire ces quelques non-dédicaces :

Je ne remercie pas l’ensemble des médecins qui, par ignorance ou par orgueil, ne m’ont jamais parlé de la technique qui a permis de me guérir après six mois de souffrance,

Je ne remercie pas ces mêmes médecins qui n’ont jamais évalué le niveau de cette souffrance et/ou demandé si les antalgiques que je prenais étaient efficaces ou adaptés,

Je ne remercie pas ce médecin qui a proposé de m’hospitaliser quinze jours afin de voir si un traitement, d’allure moyenâgeuse, serait efficace,

Je ne remercie pas ce jeune agrégé qui, cherchant une infirmière, a laissé son regard passer sur moi, allongé sur une table de scanner, comme si j’étais un meuble,

Je ne remercie pas ce chirurgien qui en regardant mes radios a laissé tomber un laconique " J’achète pas ! " signifiant par là qu’il ne voulait pas m’opérer et qui dans l’indifférence la plus totale m’a donné un rendez-vous pour un autre examen huit semaines plus tard,

Je ne remercie pas non plus ce chirurgien qui a passé trois minutes en tout avec ma femme après l’avoir opérée et aucune avec moi (pourtant confrère et ancien " collègue ", c’est-à-dire tous les deux anciens internes des hôpitaux, confrérie prétentieuse et orgueilleuse s’il en est),

Je ne remercie pas son interne (pourtant en dernière année d’internat et bientôt chef de clinique dans un grand service parisien) qui a balancé à la voisine de chambre "Bon vous verrez, on vous a enlevé la tumeur et le mamelon, comme on avait dit, on a reconstruit un peu vous verrez c’est pas mal, allez bonne journée !",

Enfin, je ne remercie pas ces médecins qui ne pensent pas que leurs confrères malades puissent être au moins aussi angoissés, si ce n’est plus, qu’un patient habituel car déjà formés à voir et à entendre ce qui se qui peut se passer de plus grave...

Par exemple, j’ai récemment reconnu sur le visage de toutes ces femmes leur pathologie, le stade évolutif de leur maladie et le traitement qu’elle venaient d’avoir et je n’ai pas été étonné de voir un couple sortir effondré du box de consultation et d’entendre le mari dire à sa femme " Bon, ben on va aller prendre un avis à Nice... "

Et ces quelques dédicaces :

Je remercie ce professeur d’université qui m’a soigné (et guéri) en quarante minutes, par une technique sophistiquée, mise au point par lui-même mais dont les autres ne veulent pas entendre parler, parce que ce patron, il est quand même un peu bizarre...c’est-à-dire qu’il aime voir ses patients en consultation,

Je remercie les manipulatrices radios et les infirmières de son service qui en plus de leur patron passent du temps à expliquer ce qui va être fait, évaluent la douleur et vont même jusqu’à téléphoner au domicile du patient deux jours après sa sortie afin de s’assurer que tout va bien,

Je remercie ce médecin (et écrivain) qui le premier m’a donné une recette efficace d’antalgiques,

Je remercie les patients qui ont demandé des nouvelles de ma santé à mon secrétariat,

Je remercie les infirmières du service où vient d’être opérée ma femme, d’avoir réussi à gérer mon anxiété à force de paroles rassurantes mais aussi d’informations purement médicales.

Je sais maintenant que les médecins ne doivent pas se contenter de leur technicité pour soigner mais qu’il devrait faire partie de l’enseignement d’apprendre à expliquer, faire choisir les patients, leur communiquer toutes les informations nécessaires et ne pas laisser cette tâche, qui leur semble futile et non gratifiante, au seul corps infirmier ou para-médical.

D’un autre côté, je sais, et je l’ai toujours su, qu’il existe nombre de médecins qui en sont conscients et qui essaient d’exercer de cette façon, mais ce savoir, cette humanité a toujours été en eux et jamais aucun de leurs enseignants ne s’en est préoccupé.

Peut-être un jour, demandera-t-on aux patients (et autres non-médecins), et cela fera partie de l’évaluation, ce qu’ils pensent de l’externe, de l’interne ou chef de clinique, du patron, bref de leur médecin...

Bruno S.

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