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Contraception et gynécologie > DIU ("stérilet") >


DIU et nullipares : les gynécologues français auraient-ils raison ?
un échange de courrier
Article du 27 juillet 2004

Ce site est un site de débat, et Madame B. l’a bien compris, puisqu’elle m’interpelle, article scientifique à l’appui, sur le fait de prôner la pose des DIU (dispositifs intra-utérins) aux nullipares (femmes n’ayant jamais eu d’enfant).
Je reproduis ici sa lettre et ma réponse, et la remercie de contribuer ainsi à la confrontation des idées.

Depuis cet échange, la publication en décembre 2004 des recommandations de l’ANAES, très sérieuse agence de santé française, est venue confirmer que les médecins français étaient très en retard sur le reste de la communauté internationale, et recommande désormais officiellement que le DIU soit considéré comme une première contraception possible pour toutes les femmes, qu’elles aient ou non des enfants. Lire l’article sur les recommandations de l’ANAES

MW.


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Pour savoir ce que font les généralistes britanniques dans le même cas cliquez sur ce lien


Monsieur,

Je vous écris à propos de votre opinion très tranchée sur les stérilets (DIU pardon) donnés au nullipares.
Vous dites que les gynécos français sont dans l’erreur. Pourtant, en général il est reconnu qu’ils permettent aux patientes françaises d’être mieux suivies que dans d’autres pays. Ne pensez-vous pas qu’ils peuvent avoir une vision différente de la votre, simplement à cause de la population qu’ils soignent, qui n’est pas la même que celle qui va au planing, et du recul qu’ils ont sur un certain nombre d’années de pratique ?
Récemment, j’ai vu le résumé de l’article suivant :


Curr Womens Health Rep. 2003 Aug ;3(4):280-7.
Related Articles, Links
Intrauterine devices and pelvic inflammatory disease.
Gareen IF.
Center for Statistical Sciences and the Department of Community Health, Brown University School of Medicine, Box G-H, Providence, RI 02912, USA. igareen@stat.brown.edu
« Les DIU connaissent un retour de popularité. Une grande partie de cette popularité est due aux réevaluations de l’association entre DIU et maladie inflammatoire pelvienne [ou MIP : autrement dit : les infections de l’utérus et des trompes], réévaluations dont les auteurs concluent que ces infections sont dues à d’autres facteurs que le DIU. Cet article examine des études récentes qui évaluent le risque de MIP en cas d’utilisation d’un DIU. Il explique pourquoi certaines des hypothèses sur lesquelles s’appuient les arguments contre l’association entre DIU et MIP pourraient ne pas être correctes, et recommande des études complémentaires pour évaluer la place des DIU parmi les possibilités contraceptives. » (Traduction : MW.) [1]
Publication Types :
Meta-Analysis
PMID : 12844450 [PubMed - indexed for MEDLINE]


Je n’ai pas eu accès au contenu de cet accès, et il me semble d’après le résumé que son contenu est assez clair.
Et si c’étaient les gynécologues français qui avaient raison d’éviter de poser des stérilets à des femmes très jeunes n’ayant pas eu d’enfants, en ne souhaitant pas prendre de risques inconsidérés ?
Je vous remercie par avance d’avoir lu mon mail.
Mme B.
***********************

Chère Madame
Merci de votre message.
Ma position sur les DIU n’est pas le fruit d’une opinion personnelle, mais une position inspirée par les consensus internationaux de l’IPPF, de l’OMS et des principaux spécialistes de la contraception, à commencer par le britannique John Guillebaud, qui n’est pas réputé pour être un plaisantin.

L’article que vous m’envoyez est ce qu’on appelle une "méta-analyse", c’est à dire une synthèse d’articles scientifiques. Il soulève un point important : certains arguments avancés pour réfuter la responsabilité du DIU dans l’apparition des infections gynécologiques pourraient ne pas être valides. Mais c’est un article statistique, et non clinique. Autrement dit, fondé sur des calculs a posteriori, et non sur les observations elles-mêmes. Les résultats de ces calculs sont donc hypothétiques.

C’est pourquoi la conclusion est écrite, très précisément, au conditionnel. Et l’article invite à réexaminer sa propre hypothèse. Autrement dit, ses auteurs suggèrent une voie de recherche, mais n’affirment rien. De plus, comme il ne s’agit que d’un résumé, il n’est pas possible de savoir quels arguments ils remettent en question (quels arguments "pourraient" être faux) ni si leur réexamen changerait le consensus planétaire actuel sur l’utilisation du DIU.

Ce consensus (vous pouvez télécharger, en français, le document de l’IPPF :) est le produit de... 50 ans d’observations et de recherches montrant que personne n’a jamais prouvé en 50 ans, que la pose d’un DIU chez les nullipares (femmes n’ayant jamais eu d’enfants) compromettait leur fertilité ultérieure - ce qui était la crainte initiale. Ce consensus est le produit des connaissances échangées et discutées depuis des années par des professionnels anglo-saxons, scandinaves, allemands, sud-américains, etc. Il est le produit de travaux collectifs et d’une mise en commun du savoir qui est malheureusement étrangère à la plupart des médecins français (il suffit d’interroger n’importe quel étudiant en médecine pour le confirmer).

Franchement, je ne crois pas qu’en l’état actuel des choses (citons, en vrac : la pauvreté de la recherche clinique en France ; le désintérêt des pouvoirs publics et des professionnels de santé pour la sexualité et la contraception ; l’influence massive de l’industrie pharmaceutique sur les médecins français) que les gynécologues français puissent avoir raison contre le reste de la communauté scientifique internationale.

Pour avoir raison, il faut d’abord avancer des arguments (comme vous l’avez fait en m’envoyant cet article) et pour avoir des arguments, il faut d’abord s’intéresser à ce qui se passe ailleurs. Or, aucun gynécologue français ne m’a envoyé cet article...

Pour qu’on puisse démontrer que les gynécologues français ont raison contre le reste de la communauté scientifique internationale, il faudrait également un certain nombre d’années d’études scientifiques. Ainsi qu’une modification radicale des causes de stérilité d’origine infectieuse. Or, on sait que ce sont les infections sexuellement transmissibles (IST) qui sont en très grande majorité responsables des stérilités par infection. Et les IST sont transmises... par les partenaires sexuels et non par la méthode de contraception.

Je ne dis pas qu’il ne faut pas se poser de question : la médecine impose de toujours remettre en cause ce qu’on fait.
Mais puisque vous parlez de " risque inconsidéré ", je vous dirai simplement qu’en l’état actuel des connaissances, quand il faut choisir entre le risque répété - et certain - d’une grossesse chez une femme sans contraception et le risque hypothétique et jamais démontré d’une infection gynécologique sur DIU, à partir du moment où la femme choisit en connaissance de cause, c’est le médecin qui refuse de prescrire un DIU qui fait, à mon avis, courir aux femmes un risque inconsidéré.

Les gynécologues disposent de bien des outils pour prévenir et soigner les infections, que la femme soit ou non porteuse d’un DIU. En revanche, ils n’auront jamais à assumer les conséquences d’une grossesse non désirée et je soupçonne beaucoup de mes confrères de poser les problèmes exactement en ces termes : " Si elle est enceinte, c’est parce qu’elle l’a bien voulu " - sans jamais s’interroger sur leur responsabilité professionnelle propre.

Comme je l’écris dans un autre article de mon site, que penseriez-vous d’un médecin qui refuserait de vous vacciner contre une maladie certainement mortelle sous prétexte qu’il n’est pas d’accord avec les risques hypothétiques de la vaccination ? Vous lui diriez probablement qu’il n’est pas question de son opinion, mais de votre vie. Et vous auriez raison. Pourquoi refuser ce même droit aux femmes qui veulent se faire poser un DIU ?

Ce matin même, une de mes collègues me disait avoir reçu pour la première fois une jeune femme de 23 ans qui en est à sa troisième grossesse non désirée et (bientôt) à sa troisième IVG. Personne, auparavant, ne lui a proposé de DIU alors que manifestement la prise de la pilule lui posait des problèmes (oubli, coût du contraceptif, conditions de vie, etc.).

La pose d’un DIU aurait-elle vraiment été " inconsidérée " ? Il me semble que c’est le sort de cette jeune femme qui n’a pas été pris en considération. On ne peut pas d’un côté brandir les " dangers (tout aussi hypothétiques, n’en déplaise à notre actuel ministre de la santé) de l’IVG " pour la fécondité et en même temps refuser un DIU à une femme qui aurait certainement préféré se passer de trois avortements.

Comprenez-moi bien : je ne suis pas un partisan farouche et exclusif du DIU. Je suis un partisan du choix par la femme de la méthode qui lui convient, indépendamment de la position idéologique et des craintes subjectives du médecin ; bref, d’un choix fondé sur des preuves scientifiques.

Quand une femme me demande conseil, je lui donne toujours toutes les informations disponibles sur toutes les méthodes (cf "Contraceptions mode d’emploi", Ed. Au Diable Vauvert) et je la laisse choisir.

Pourquoi ? Parce que j’ai l’humilité de penser qu’une femme majeure, qui a le droit de voter ; de conduire et de se faire avorter a aussi le droit se faire poser un DIU quand elle le désire. Et, de même que je ne prescris jamais une contraception dont la femme ne veut pas, je n’interdis jamais à personne de choisir la contraception de son choix car le choix fait par l’utilisatrice est le meilleur garant de l’efficacité et de la sécurité de la méthode.

Mon objectif de soignant n’est pas de poser des DIU : c’est d’aider les femmes à vivre leur vie et leur sexualité sans courir le risque d’une grossesse non désirée et, le cas échéant, d’une IVG. Bref, de leur éviter des angoisses et des souffrances inutiles.

Malheureusement, la plupart des gynécologues français se préoccupent très peu du confort, de la liberté et du choix des patientes et encore moins de la mise à jour de leurs propres connaissances. Vous pourrez lire un exemple de cette "insuffisance des connaissances" en vous rendant à la page suivante :

Au contraire, beaucoup trop de gynécologues (la rubrique "Contraceptions : questions/réponses" : regorge d’exemples, malheureusement) ne répondent pas aux questions des femmes, les empêchent de choisir, culpabilisent leurs choix. Bref, trop de médecins ne font pas leur boulot.

Et si je fustige surtout les gynécologues c’est bien parce qu’ils se disent spécialistes, clament haut et fort leur compétence et leur solidarité avec les femmes - mais montrent une singulière ignorance de leur spécialité ; tandis que les médecins généralistes, eux, sont pendant leurs études écartés de l’information sur la contraception... par les gynécologues hospitaliers, qui préfèrent garder leur savoir pour eux...

Tout cela, la lecture de textes écrits par d’autres (le rapporteur de la commission sénatoriale des affaires sociales, par exemple) vous le confirmera.

Vous écrivez :
Ne pensez-vous pas [que les gynécologues] peuvent avoir une vision différente de la vôtre, simplement à cause de la population qu’ils soignent, qui n’est pas la même que celle qui va au planning, et du recul qu’ils ont sur un certain nombre d’années de pratique ?

Votre première remarque est pleine de bon sens ; cependant, s’il est une population " à risques ", c’est bien celle qui fréquente les centres de planification comme celui dans lequel j’exerce (mineures, immigrées, femmes sans ressources, etc.), et non celle (femmes de plus de 25 ans, insérées, ayant une vie stable) qui consultent les gynécologues.

Par conséquent, si la pose des DIU aux nullipares était dangereuse (à cause, mettons, d’un risque infectieux plus grand), c’est dans la population que je reçois qu’elle s’observerait et non parmi les femmes qui consultent les gynécologues des grandes villes. Et les complications se verraient très vite. Les gynécologues seraient alors en droit de dire qu’ils peuvent poser des DIU aux nullipares de leur clientèle avec une tranquillité bien plus grande que je ne le fais.

Or, c’est exactement le contraire qui se passe, et j’observe la situation paradoxale suivante : je pose des DIU sans crainte à beaucoup de nullipares issues de milieux défavorisés, tandis que nombre de mes confrères gynécologues de ville refusent d’offrir cette même possibilité à des femmes de milieux favorisés qui, en principe, devraient avoir les mêmes droits...

Sachez aussi que les patientes que je vois chaque semaine choisissent le centre de planification plutôt que d’avoir à attendre trois mois un rendez-vous chez un gynécologue de ville ; ou parce que ce gynécologue les a mal conseillées ; ou encore parce qu’elles n’ont jamais eu le loisir de discuter avec lui de leur contraception, et encore moins de la choisir.

Il m’arrive régulièrement de recevoir des femmes qui me demandent de leur poser un DIU qu’on leur a refusé. Voire même, un implant contraceptif PRESCRIT par leur gynécologue. Quand je leur demande pourquoi ce praticien ne leur a pas posé cet implant, elles me répondent : " Je ne sais pas ", ou Parce qu’il est " contre " ou "Parce qu’il ne sait pas le faire" (alors que c’est moins compliqué que de poser un goutte-à-goutte...) ou "Parce qu’il m’a dit que la pose de l’implant n’est pas cotée" (il n’y a pas de " tarif " pour poser un implant).

Tous arguments éminemment " scientifiques ", comme vous le voyez...

Je n’ai évidemment pas de raison de penser que les femmes qui me disent cela me racontent des bobards. Beaucoup de mes confrères ne sont pas de mon avis, car l’opinion largement répandue dans les milieux médicaux est que les patients (et les femmes en particulier) " racontent n’importe quoi ". Mais ma position en ce domaine est que, dans une relation de soins, la franchise (de part et d’autre) est la règle. Vous me trouverez peut-être naïf, mais professionnellement je ne m’en suis jamais mal porté.

D’ailleurs, pour ce qui est du "recul", cela fait vingt ans que j’exerce la médecine et prescris des méthodes contraceptives, dix ans que je pose des DIU aux nullipares, plus de six ans que je reproche à mes confrères à haute voix et dans les journaux de ne pas faire leur boulot en matière de contraception ; quand aux personnes et institutions internationales sur l’expérience desquelles je m’appuie elles ont, pour leur part, trente à quarante ans de "recul". Sur ce point, je pense donc n’avoir rien à envier à la plupart de mes collègues.

Malgré les protestations outrées de certains gynécologues français, plus préoccupés de leur amour-propre que de la vérité scientifique, je n’ai à ce jour été attaqué pour mes propos qu’une seule fois par un confrère, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Michel Cymès, médecin-journaliste omniprésent dans l’audiovisuel public.

Lire le compte-rendu de cette affaire :

Comme vous le lirez, ça ne lui a pas réussi... Je n’ai jamais été traîné en justice non plus par l’Ordre des médecins, et aucune des centaines de patientes autrefois nullipares (et souvent, aujourd’hui, mères de famille) à qui j’ai posé un DIU ne m’a, à ce jour, fait le moindre reproche, écrit ou oral.

Si je pronais des méthodes manifestement dangereuses, nul doute que, depuis vingt ans, on me serait tombé sur le poil... et on aurait eu raison de le faire.

Je vous dirai enfin que beaucoup de médecins (pour certains, gynécologues !) travaillant dans des centres de planification français (mais aussi belges et suisses...) me demandent régulièrement donner des séminaires de formation à la contraception à l’intention des jeunes médecins, des assistantes sociales, des conseillères de planification, des infirmières. Or, leur expérience vaut autant que la mienne et ils ont les mêmes lectures que moi. Je ne crois pas qu’ils me demanderaient mon aide s’ils avaient le moindre doute sur le contenu de ce que j’écris.


Merci d’avoir pris la peine de réagir à mes textes, merci de l’intérêt que vous portez à mon site. N’hésitez jamais à m’écrire.
Amicalement
Martin W.


Pour savoir ce que font les généralistes britanniques dans le même cas cliquez sur ce lien



[1Texte anglais original : The intrauterine device (IUD) has experienced a resurgence of popularity. Much of this popularity is attributable to reassessments of the association between IUD use and pelvic inflammatory disease (PID) in which authors conclude that the association is attributable to factors other than the IUD. This article examines recent studies that assess the risk of PID with IUD use, explains why some of the assumptions on which the arguments regarding a lack of an association between IUD use and PID are based might not be correct, and recommends additional trials to evaluate IUDs as one of several contraceptive options.

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