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Quand on est médecin, écrire, à quoi ça sert ?
Article du 23 août 2003

Ce texte, qui apparaît dans les dernières pages de La maladie de Sachs est un des premiers que j’aie écrit en composant ce roman.

Bien avant de devenir médecin, j’écrivais. Mais quand on est médecin, écrire, à quoi ça sert ?

J’aurais voulu, j’ai peut-être eu l’idée déjà - je l’ai aujourd’hui, en tout cas - de coucher sur le papier le nom de tous les patients que j’ai vus mourir. De tous les bébés que j’ai vus naître.

Et, tant qu’à faire, celui de tous les gens qui sont venus me voir, qui m’ont un jour fait venir. Mais lesquels ? Ceux que j’ai véritablement soignés ? Ceux qui m’ont appelé pour quelqu’un d’autre (car on soigne toujours celui qui demande quelque chose, même s’il dit que ce n’est pas pour lui) ? Ceux qui n’ont fait que m’aborder dans la rue avec une question anodine ? Ceux qui sont restés debout dans la salle d’attente et sont partis en me voyant ? Ceux qui m’ont demandé un simple certificat ? Ceux qui prennent rendez-vous et oublient de venir ? Ceux dont ne comprends jamais pourquoi ils viennent ?

J’aurais peut-être pu ou dû le faire, mais je ne l’ai pas fait. On ne pense pas à faire ce genre de choses quand on se met à soigner. Aujourd’hui, on incite les médecins à tout engouffrer dans un ordinateur, à des fins épidémiologiques, statistiques, comptables. Mais personne ne semble vouloir graver dans sa mémoire le nom et le visage des gens, se rappeler la première rencontre, les premiers sentiments, les étonnements, les détails comiques, les histoires tragiques, les incompréhensions, les silences. J’ai vu passer des milliers de personnes, mais en cet instant même, je ne pourrais spontanément en évoquer qu’une douzaine, vingt en me détendant, cinquante peut-être en me forçant un peu, mais guère plus...

Alors, je crois qu’écrire, pour un médecin comme pour n’importe qui, c’est prendre la mesure de ce qu’on ne se rappelle pas, de ce qu’on ne retient pas. Ecrire, c’est tenter de boucher les trous du réel évanescent avec des bouts de ficelle, faire des noeuds dans des voiles transparents en sachant que ça se déchirera ailleurs. Ecrire, ça se fait contre la mémoire et non pas avec.

Ecrire, c’est mesurer la perte.

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