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"Elephant" : Un point de vue d’Adrien Lamote
Article du 27 octobre 2003

Adrien Lamote a vu "Elephant" et lu mon point de vue sur le film. Le sien est différent, et il l’exprime. Très bien.

J’ai eu hier l’occasion de voir le film Elephant je me permet de répondre à l’article que vous avez écrit sur ce film :

Bref, tous ces jeunes gens sont terriblement démunis, matériellement et psychologiquement. Le film semble suggérer que toutes ces lacunes réunies en une seule (ou deux) personnes sont meurtrières (pour les autres et pour eux). On en reste au constat glacé, non sans image caricaturale (les trois filles qui se font vomir en coeur dans les toilettes) et non sans un certain sadisme, manifeste dans la manière dont l’un des deux garçons tue le principal, et dont le second tue son camarade avant de mettre en joue le jeune couple, dans la chambre froide, au dernier plan du film.

Je pense que le cinéaste nous donne très peu d’éléments - et c’est je crois volontaire - pour juger ses personnages , ne serait-ce que du simple point de vue psychologique. Il ne fait que les "survoler" , au propre comme au figuré et je pense que la peinture psychologique n’intéresse en rien Gus Van Sant dans ce film.

Il ne s’agit pas non plus de faire la recette du bon petit tueur , encore une fois ce qui intéresse le réalisateur -à mon sens- c’est de survoler ces personnages dont on connait dès le départ la condition tragique ( la caméra assimilable à un narrateur a un point de vue omniscient ) et d’imaginer ce qu’il peut se passer dans les têtes de ces jeunes filles et garçons que le réalisateur met tous au même plan : les "tueurs" sont survolé tout comme les autres élèves.

Van Sant ne juge pas , il émet parfois des constats ( facilité de se procurer une arme à feu) mais refuse les conclusions trop simples : ce n’est pas parce qu’on est pris en victime par les autres élèves que l’on va les tuer (cf le personnage de la jeune fille à lunettes , première victime du massacre . Le constat n’a je trouve rien de glacé qu’on on voit comment la caméra s’attache à certains détails des personnages , et comment elle les suite , fascinés ... quand au sadisme je n’en ai rien vu , je n’ai vu qu’un personnage perdu qui refuse la réalité qui lui est sans cesse rappelée par les visages des Autres ...

C’est sans doute en cela que les 80 minutes d’Elephant se situent (opèrent, fonctionnent) à mille lieues de la durée, de la finesse de narration et du souci du détail des séries télévisées.

Je crois qu’Elephant fonctionne d’une façon tellement différente d’une série ( et vous savez à quel point je les aime !!) que la comparaison m’apparait des plus factices . Il ne s’agit en aucun cas de provoquer le débat , de réfléchir sur le violence ou même de l’analyser. Le réalisateur se fascine pour ces jeunes êtres humains, en apparence si purs, et donne des indices sur ce qui les pousse à agir ainsi et il fait cela pour TOUS les personnages et pas seulement ceux des "tueurs ". On est ici face à une perspective totalement artistique où la raison n’intervient pas directement , d’ou la narration décousue , il ne s’agit pas de raconter une histoire mais de traiter une situation avec une regard omniscient mais jamais accusateur , d’essayer de recréer une réalité en s’en éloignant le plus possible , du point de vue filmique ( on est très loin de la réalisation d’un documentaire) .

Il serait aisé, à partir de ces séries, de montrer qu’Elephant , loin d’être un film révolutionnaire, témoigne plutôt - par son contenu, sinon par sa forme - d’une régression en regard du discours analytique et critique qu’exercent depuis une dizaine d’années la plupart des séries télévisées de qualité (et il y en a beaucoup) sur la société américaine.

Meme problème ici, Elephant n’a - encore une fois à mon sens - aucun ambition analytique et critique , on se place au dessus de la Raison et de la compréhension ...et biensur cela est voulu !!! Le réalisateur ne prétend jamais avoir aucune explication , aucune clé pour comprendre , à mon sens il est très modeste car il traite d’un sujet où il aurait été très facile de basculer vers le pensum en se plaçant d’un point de vue supérieur , quasi-divin , artistique au sens plein du terme ( "quelqu’un qui se voue à l’expression du beau , créateur de beauté" dixit le Robert) . Il veut atteindre la beauté présente à l’intérieur de chacun des personnages , la vie , autant plus précieuse qu’elle va disparaitre ...

En ce sens, le sens du titre revendiqué par Van Sant (" la violence est un problème dont on ne parle pas, alors qu’elle est aussi visible qu’un éléphant dans une salle à manger ") est hypocrite et malhonnête : la violence, ses causes et ses conséquences, sont constamment abordées à la télévision américaine, laquelle touche aujourd’hui infiniment plus de spectateurs dans le monde que le cinéma.

Je ne sais pas du tout ce que revendique Van Sant durant les interviews et autres discours , je ne parle que de l’oeuvre en elle-même et au sens où pour moi le film de Van Sant ne se veut en aucun cas une vision critique ou une analyse de la violence votre réflexion est - je trouve-un peu hors de propos ...

Bien sur je comprend parfaitement qu’esthétiquement parlant et artistiquement parlant on se ne soit pas du tout sensible à l’approche pour le moins étonnante de Van Sant & consors mais on n’est ici devant une véritable oeuvre de cinéma ,qui utilise pleinement les caractéristiques du genre , et dont les enjeux artistiques sont à des années lumières de ceux des séries US ( et encore une fois je les adore !!).

Je ne vais pas sortir cette expression débile sur les gouts et les couleurs , il s’agit plutot d’une sensibilité particulière , mais c’est vrai qu’il faut deja "avaler" si je puis dire le postulat de départ pour vraiment "rentrer" dans le film...

Adrien Lamote

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