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Euthanasie, suicide assisté : le rapport Sicard
par Marc Zaffran/Martin Winckler

19 décembre 2012

Lorsque j’ai entendu dire que le Président Hollande avait confié à Didier Sicard une commission de réflexion sur la fin de vie (après s’y être engagé comme candidat alors qu’on ne lui avait rien demandé) j’ai repensé à l’engagement de Mitterrand sur la peine de mort.

Je me suis dit : "Tous les hommes d’état veulent laisser la marque de leur passage, par des lois, des décisions, des monuments. Hollande a fait de l’euthanasie une question personnelle. S’il demande un rapport, c’est qu’il a une idée derrière la tête. Et s’il a choisi Sicard (président de la Commission Nationale d’Ethique, ce qui en impose à tout le monde), ce n’est probablement pas par hasard. Ils en ont déjà parlé... C’est comme ça que ça se passe, en France. On en parle "entre membres de l’élite" et ensuite on fait comme si on avait décidé de se pencher sur la question. "

Mais à vrai dire, jusqu’à hier, je n’y croyais qu’à moitié. A cause de la mentalité rétrograde du monde médical français (que je dénonçais dans cet article-ci) en 2003 puis dans cet autre article en 2008.



L’euthanasie, j’y suis revenu plusieurs fois sur ce site (voyez aussi cet article-ci) et puis j’ai fini par écrire un roman, En souvenir d’André, dont la rédaction a été terminée avant la création de la commission Sicard.

Hier, mardi 18 décembre 2012, le rapport Sicard a été rendu public. On peut le télécharger en intégralité ici.

Un article paru dans "Le Monde" du 18 décembre 2012 explique en particulier :

"L’INÉGALITÉ DES FRANÇAIS FACE À LA PRISE EN CHARGE DE LA FIN DE VIE

Dans son rapport, le professeur Sicard porte un regard sévère sur une médecine sourde aux attentes des patients. "Chaque jour voit croître dans notre société une revendication très largement majoritaire (entre 80 % et 90 % selon les sondages d’opinion) de personnes répondant positivement à une demande de légalisation d’euthanasie, lit-on dans le rapport. Il ne s’agit pas de revendications simplistes ou naïves de personnes qui n’auraient pas compris la question. Il s’agit d’une demande profonde des personnes interrogées, de ne pas être soumises dans cette période d’extrême vulnérabilité de la fin de vie à une médecine sans âme." Des débats organisés dans plusieurs villes de France, la mission a ainsi retenu "le malaise, voire la colère" et surtout "la hantise [des Français] de basculer dans une situation de fin de vie insupportable, de souffrir ou de voir souffrir leurs proches".

Le constat est glaçant. La mission, composée de neuf membres (médecins, philosophe, juriste...), qui a mené près de 80 auditions, dénonce une inégalité des Français face à la prise en charge de la fin de vie, notamment dans l’accès aux soins palliatifs. Le monde soignant en prend pour son grade. Tout d’abord la médecine, qui privilégie la performance technique et peine à entendre que les malades puissent vouloir cesser de vivre. Puis les différentes structures (hôpital, maisons de retraite, hospitalisation à domicile) et institutions, très cloisonnées.

C’est l’hôpital, où meurt la majorité des Français, qui est particulièrement visé. Considérant la mort comme un échec, il l’a abandonnée aux soins palliatifs. Une séparation qui empêche la diffusion de la culture de la prise en charge de la douleur. En cause, aussi, les soins palliatifs eux-mêmes qui ne pourront "jamais résoudre la totalité des situations, même si ces structures devaient être en nombre plus important". Entre les lignes, on lit une critique sévère envers leurs défenseurs, qui ont laissé croire, dans un certain angélisme, qu’ils pouvaient à eux seuls régler la question des bonnes conditions de la fin de vie."

On ne saurait mieux résumer la situation : obscurantisme et fantasme de toute-puissance conduisent à l’injustice. Il est temps que cela cesse.

Mais comme le raconte rétrospectivement Emmanuel Zacks dans En souvenir d’André, les temps changent et les personnes de bonne volonté vont de l’avant. Je sais depuis longtemps que je ne suis pas le seul à le penser.

Aujourd’hui, je suis heureux que des voix bien plus respectées que la mienne le disent haut et fort.

Martin Winckler




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