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Humilité
par Guillaume, étudiant en médecine à Nancy

22 juillet 2004

Je me souviens que vous ecriviez dans Nous sommes tous des patients (je crois), qu’avant votre première année, vous aviez fait un stage en tant que brancardier dans un hôpital près de chez vous... J’avais projeté de le faire aussi cet été, mais ayant eu des réponses plus intéressantes pour un job d’été, j’ai du me désister du poste de brancardier qu’on m’avait proposé pour 2 semaines....



Je travaille dans un centre d’appareillage pour personne handicapées.... disons que ça reste dans la meme branche... altruisme me parait un peu grandiloquent.... Je fais de la saisie informatique pour l’établissement d’une base de données. Je travaille de loin avec un médecin, et d’un peu plus près avec une ergothérapeute...

Alors pourquoi ce mail me direz vous ??? Aujourd’hui, le docteur de l’établissement m’a proposé d’assister à un test de fauteuil roulant (une des activités principales de l’entreprise), en présence de l’ergothérapeute. J’ai donc assisté au test pour un enfant de 16 ans... sévèrement handicapé, tant mentalement que physiquement (cécité partielle, scoliose prononcée,...), dans l’impossibilité de s’exprimer ... bref totalement dépendant de ses parents.

Des gens en or, qui en bavent nuit (se lever tout les 4 heures afin de retourner leur fils dans son lit, pour eviter la formation d’escarres) et jour, et qui cherchent désespérement des solutions pour améliorer leur quotidien sans altérer celui de leur enfant... Leur bailleur leur refusent la construction d’une rampe d’accès pour leur appartement qui est en hauteur ("ça dénature le paysage"), le père vieillit et ne pourra plus porter son enfant pour le transporter comme il l’a fait jusqu’à maintenant. La mère ne peut plus faire autant d’effort physique qu’avant, à la suite de 2 infarctus.

L’enfant a besoin d’un nouveau fauteuil car il grandit, et son siège-coquille, fait sur mesure, ne sera bientôt plus adapté à sa morphologie. J’ai discuté avec la mère pendant que les autres allaient chercher les fauteuils à essayer..... Je lui ai dit qu’elle avait beaucoup de mérite et de courage, vu comment elle se démène pour son fils. Elle m’a répondu simplement : "C’est normal !". Ca m’a rendu tout chose... Une sensation bizarre... Je me suis rassuré en me disant que n’ayant pas (encore) d’enfant, je ne peux pas encore me rendre compte de l’implication que le handicap engendrait.

Bref, pour être objectif, je me suis trouvé une excuse bidon sur le moment pour ne pas craquer en face de cette mère dévouée (une question d’amour propre, qui sait ?). Je vous passe les détails, tout ça pour dire qu’à la fin de l’entretien, une fois qu’ils étaient partis, et après le débriefing avec l’équipe, je me suis retrouvé seul dans ma voiture sur le parking du centre, et je me suis dis que ce que je pensais avoir comme problèmes (passer tant bien que mal en deuxième année, et oui ! Personne n’est parfait !) me paraissaient tout à coup bien (trop) futiles comparés aux épreuves que cette famille affrontait.

J’ai presque eu envie de pleurer. J’ai demarré, et je suis rentré chez moi.... Pensif sur le chemin..... et ça m’a (me ?) travaille.... Une leçon d’humilité en quelque sorte... C’est grave, docteur Sachs ?

G., étudiant en première année de médecine à Nancy




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