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Qu’est il arrivé aux bébés nobel ?
16 septembre 2002

20 août 2004

Au début des années 80, en Californie, un millionnaire nommé Robert Graham créa une banque du sperme destinée à recueillir... la semence des lauréats du prix Nobel. Persuadé que l’espèce humaine était en pleine dégénérescence, Graham voulait favoriser la multiplication d’enfants aux capacités intellectuelles exceptionnelles. À l’époque, évidemment, cette initiative souleva une vive polémique. Aujourd’hui, tout le monde n’a que le mot clonage à la bouche, et je me suis dit qu’il serait intéressant de savoir ce que ces fameux bébés Nobels sont devenus.



Or, un journaliste américain, Daniel Plotz, s’est penché sur le sujet au début de l’année 2002 ; son enquête, modèle de journalisme d’investigation, est publiée sur l’internet (http://slate.msn.com).

On y apprend - première surprise - que l’entreprise de Robert Graham était une fondation à but non lucratif. Les donneurs n’étaient pas rémunérés, et l’insémination y était gratuite. Seconde surprise : il n’y eut jamais de Prix Nobel parmi les donneurs...
Les lauréats contactés, avaient en effet presque tous refusés de contribuer à l’entreprise. Arguant du fait que les Nobelisés étaient trop vieux, de toute manière, pour être de bons donneurs, Robert Graham se tourna alors vers de jeunes scientifiques pleins de promesses.
Comme ceux-ci ne se bousculaient pas non plus pour contribuer à l’entreprise, il recruta également des sportifs, des artistes et des hommes d’affaires. Pour leur part, les femmes en demande d’insémination devaient être mariées, avoir un époux stérile, et être dotées d’un quotient intellectuel élevé. Celles dont la candidature était acceptée choisissaient le géniteur anonyme sur un catalogue qui précisait seulement s’il était mathématicien, ingénieur, artiste ou athlète (il y avait parmi eux un médaillé olympique).

Entre 1980 et 1999, date du décès de Robert Graham, la fondation a permis la naissance de 219 enfants, soit moins d’une douzaine par an.
Graham aurait bien voulu suivre leur évolution mais la majorité des familles ne répondirent jamais à ses questionnaires. Un de ces enfants, un vrai surdoué du nom de Doron Blake, a fait les beaux jours des journalistes d’Amérique et d’Europe. Mais c’est le seul qui ait officiellement révélé son origine.
Les autres sont restés dans l’ombre, soigneusement protégés par des parents désireux de préserver leur vie privée.

Pendant l’enquête qu’il a menée au début de 2002, Daniel Plotz est entré en contact avec une quinzaine de familles ayant eu des « bébés Nobel ». Les enfants sont presque tous de bons élèves mais, comme ce sont des enfants désirés, qui ont toujours été stimulés et soutenus, est-ce vraiment étonnant ? De toute manière, 15 sur 219, c’est un échantillon trop faible pour qu’on puisse en tirer des conclusions scientifiques.

En tout cas - et c’est ce qui paraît le plus important - ces quinze enfants sont bien insérés dans leur environnement et, comme tous les adolescents, il leur arrive de tenir tête à leurs parents et de les envoyer paître. Cette histoire suggère, il me semble, que les fantasmes génétiques ne pèsent pas lourd devant la réalité de la vie.
Comme le remarque Daniel Plotz, le projet de Robert Graham était de produire des légions de bébés surdoués. En vingt ans, il a donné naissance à quelques dizaines d’enfants qui ne sont sans doute pas exceptionnels, mais qui sont aimés et entourés. Ce n’est pas le résultat attendu par Graham, mais, pour les premiers intéressés, c’est une réussite.




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