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Qu’est ce que l’empreinte ?
13 décembre 2002 (Chronique faite à Orléans)

1er novembre 2004

Les auditeurs de plus de 40 ans ont peut-être vu L’extravagant Docteur Doolittle avec Rex Harrison ; ceux qui ont moins de 30 ans connaissent probablement les remake qu’en a fait Eddy Murphy.
Dans ces films (l’original est tout de même meilleur que les deux autres), un savant un peu excentrique parle aux animaux et les comprend.
Histoire inventée, me direz-vous. Certes, mais pas seulement. Pour l’être humain, communiquer avec des animaux, en tout cas créer un lien très puissant avec eux, est une réalité. Et nous savons pourquoi grâce à un Docteur Doolittle réel, un scientifique autrichien nommé Konrad Lorenz.



Lorenz est né en 1903 à Vienne. Très impressionné, pendant son adolescence, par la lecture des travaux de Darwin sur l’évolution, il étudie la zoologie et se passionne pour l’étude de l’instinct animal. Comme le français Jean-Henri Fabre, Lorenz a un tempérament de naturaliste. Ce qui l’intéresse, c‘est de vivre à la campagne et d’observer les animaux dans leur milieu naturel, mais aussi des animaux qu’il recueille et élève près de lui, en particulier des oiseaux et des poissons.

En 1927, il recueille un jeune choucas qu’il a baptisé Tschok. Et il observe un phénomène impressionnant : devenu adulte, Tschok ne veut pas le quitter. Au lieu de rejoindre les autres choucas des environs, Tschok reste auprès de Lorenz. Le jeune zoologiste élève d’autres choucas et constate que le phénomène se reproduit, ainsi qu’avec des oies cendrées, oiseaux qui le rendront célèbre.

Le phénomène n’est pas tout à fait inconnu de Lorenz. Un zoologiste allemand, Oskar Heinroth, l’a déjà observé en 1910. Mais après de longues et patientes observations, Lorenz finit par le comprendre : dès qu’il sort de l’oeuf, l’oisillon identifie la première chose qu’il voit bouger, que ce soit un oiseau ou un homme, comme étant sa mère. C’est ce phénomène de « fixation » de l’oiseau nouveau-né que Lorenz appellera « empreinte ».
Le phénomène ne se produit pas au même stade du développement chez l’oie cendrée et chez le choucas (pour la première, il a lieu dès la sortie de l’œuf, pour le second, c’est au moment où l’oisillon quitte le nid) mais il se produit toujours au même moment pour une espèce donnée, et ne dure que quelques heures. Passé ce délai, l’empreinte ne se produit plus.

Et lorsque l’oiseau à fixé son attachement sur un être vivant ou même sur un leurre, un oiseau en bois, cet attachement est irréversible et l’animal suivra toute sa vie cette « mère » qu’il a adoptée. Lorenz, qui s’intéressait à l’instinct, c’est à dire à ce qui est inné chez l’animal, venait paradoxalement d’identifier un phénomène d’apprentissage, indiscutablement acquis.

Le plus beau dans l’histoire de l’empreinte, telle que Lorenz lui-même la raconte dans un livre intitulé « Les oies cendrées » publié lorsqu’il avait 80 ans passés, c’est que cette relation privilégiée avec les animaux remontait à sa plus tendre enfance.
À l’âge de 6 ans, sa mère lui avait offert un caneton qui venait de naître. Le caneton poussait un cri d’abandon. Le petit garçon, ému, répondit en imitant le cri du canard ; le caneton le suivit et devint son ami pour la vie.

L’empreinte est un phénomène observé chez l’animal. On n’en a jamais démontré l’existence chez l’être humain. Mais il n’est pas interdit d’adopter la formule favorite de Konrad Lorenz : « Tout ce à quoi nous consacrons notre vie commence par une émotion. »

Et je dédie cette chronique à Maddy, une grande dame qui aime et soigne les animaux - et à qui les animaux le rendent bien.

P.S.

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