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Qui étaient vos héros d’enfance ?
18 décembre 2002

3 novembre 2004

Un héros, ça n’est pas seulement une figure que l’on admire pour ses hauts faits, mais aussi un personnage auquel on s’identifie par ses doutes, ses conflits intérieurs, ses histoires sentimentales, ses problèmes domestiques ou ses choix professionnels. Comme tous les enfants du baby-boom, nés au milieu des années 50, j’ai eu des tas de héros, et j’aimerais en évoquer ici quelques-uns, parce qu’ils font partie de notre culture commune.



Évidemment, la plupart de mes héros sont masculins et il ne faut voir là aucun sexisme mais le produit d’une histoire et d’affinités personnelle. J’aimerais d’ailleurs savoir quels étaient les héros des filles de ma génération. Enfin, moi, quand j’étais gamin, j’aimais beaucoup Thierry la Fronde, qui fit ses débuts à la télévision française en 1963 - parce qu’il était long et maigre, parce qu’il vouvoyait Isabelle, sa bien-aimée et parce qu’il avait une fronde. J’ai cassé beaucoup de carreaux, au milieu des années 60.

Ensuite, il y a eu Zorro. Celui de la série de Walt Disney, bien sûr, qu’on vit au petit écran à partir de 1965 - j’avais dix ans. Zorro, c’est autre chose. Il avait un masque, il s’habillait en noir et il se déplaçait sans bruit sur les toits. Il m’a donné très envie de faire de l’escrime. Un héros qui vous fait faire du sport ne peut pas être complètement mauvais. Et puis, j’adorais ses jeux de cache-cache avec ce bon bougre de sergent Garcia et je frissonnais dès que je le voyais entrer ou sortir de chez lui en cachette de son père par le passage secret qui se trouvait derrière la bibliothèque.

Je choisissais aussi mes héros dans les bandes dessinées. J’avais une tendresse particulière pour les voyages dans l’espace des Pionniers de l’Espérance, pour les évasions de l’insaisissable Nasdine Hodja, et bien sûr, pour les aventures de Michel Vaillant et de son ami le pilote Américain Steve Warson. C’est peut-être pour ça que j’aime bien habiter au Mans.

À l’âge de onze ou douze ans, le « Harry Potter » de l’époque, personnage récurrent de toute une flopée de romans, s’appelait Langelot. Il était orphelin - ce que beaucoup d’enfants aimeraient être pendant deux heures, de temps à autre - et agent d’un service secret, le SNIF ou « service national d’information fonctionnelle ». Une sorte de James Bond adolescent mais 100 % français.

Plus tard, à l’adolescence, j’ai adoré Arsène Lupin, sa ténacité, son bagou, son culot, son humour, son courage, son charme, sa loyauté et sa manière de dire merde aux politiciens ou aux affairistes en les délestant de leurs titres et de leurs tableaux de maître. Et puis, à mesure que je grandissais, j’ai adopté des héros plus réalistes.

Dans les nouvelles de Conan Doyle, j’adorais évidemment les remarques presque cliniques de Holmes, mais aussi les petites notes intimistes que le narrateur - le Docteur Watson - donne sur lui-même, sur ses mariages successifs et sur son travail de médecin. Les héros d’enfance ont pour fonction de nous accompagner pendant que nous grandissons, et c’est une chance de grandir avec des héros comme ceux-là, à la fois rassurants et source d’imprévus.

Il y a quelques jours, un élève de 6e écrivait dans une de ses rédactions (c’est son enseignante qui me l’a confié) : « Lorsque je lis, j’ai l’impression d’être l’ombre du héros et de le suivre partout. Et c’est lorsqu’il prend une décision que je n’aurais pas prise moi-même que l’aventure commence. » Ce garçon a de grands bonheurs devant lui.




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