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Etre femme sans être mère
par Mona Chollet

9 février 2007

Mona Chollet, dont on peut lire les chroniques d’Arteradio.com et d’autres articles passionnants dans ces pages, chroniquait il y a sept ans sur son propre site, Périphéries, un livre non moins passionnant, Le choix de ne pas avoir d’enfant, d’Emilie Devienne. Je reproduis ici le début de cet article... plus que jamais d’actualité. MW



Voilà un livre que devraient accueillir avec soulagement les femmes qui ne souhaitent pas avoir d’enfant, et dont la décision, même lorsqu’elle est aussi solidement enracinée qu’un baobab, doit essuyer le typhon permanent de la pression sociale. Même si on ne partage pas toutes les références de l’auteure, on n’a pas trop les moyens de faire la fine bouche, tant la littérature sur ce sujet est rare. Et puis, l’essentiel y est : elle met noir sur blanc les arguments de simple bon sens qu’on avait en tête - ce qui fait du bien - et y ajoute quelques autres.

Petite, Emilie Devienne avait rendu visite avec sa mère à une amie de la famille qui venait d’accoucher, et qui lui avait demandé : « Et toi, quand tu seras grande, tu veux beaucoup d’enfants ? » « Sans penser mal me comporter, je répondis que je ne voulais pas d’enfant du tout. » L’amie avait alors suggéré à sa mère de la montrer au pédiatre - conseil qui, heureusement, n’avait pas été écouté...

Elle répertorie les diverses réactions auxquelles elle a eu droit au fil du temps ; à vingt ans : « Oh ! tu es jeune, tu peux encore changer d’avis. C’est normal, pour le moment tu as tes études. » A trente ans : « Si tu rencontres vraiment l’homme de ta vie, tu changeras d’avis. » A quarante : « Oh, avec les progrès de la médecine, tu peux attendre encore un peu. Mais pas trop longtemps, non plus... »

Et encore : c’est sans parler de la pression médiatique. Prenons ne serait-ce que les hebdomadaires de cette semaine. Prolongeant les cocoricos suscités par les bonnes performances françaises en matière de natalité, qui, en janvier, ont retenti sur toutes les antennes, Paris-Match réunit sur une photo, posant devant la mairie avec leur bébé dans les bras, les 19 femmes d’un petit village de Mayenne ayant accouché au cours de l’année 2006.

Gala constelle sa couverture de vignettes représentant des femmes célèbres avec leur enfant, sous le titre : « Leurs enfants d’abord : elles veulent être des mères parfaites ! » On s’interroge d’ailleurs sur l’utilité d’en faire un dossier, tant les propos du genre « Ma famille avant tout », ou « Je suis une actrice, mais je suis avant tout une mère », sont le discours obligé de toutes les célébrités interviewées dans la presse féminine et people, où le mot « mère » appelle immanquablement l’adjectif « épanouie » - à croire que, dans ces rédactions, on dispose de logiciels de traitement de texte spéciaux, qui font l’association automatiquement.

Ainsi, quand on tourne la page, en sortant du dossier « mères parfaites », c’est pour changer radicalement de registre, avec une grande interview de Lorie, titrée : « Je commence à songer à la maternité » (à 24 ans, il serait temps, en effet). On notera au passage que l’idole des cours de récréation n’a pas convoqué la presse pour lui annoncer la nouvelle en grande pompe : ce sont les journalistes qui lui demandent si, comme ses consœurs, elle ne compte pas bientôt « mettre sa carrière entre parenthèses pour devenir maman »...

Les seuls intermèdes répertoriés par nos soins dans ce matraquage remontent à... 2001. Marie Claire avait alors publié un dossier tout à fait honnête intitulé « Je ne veux pas d’enfant, et alors ? » (octobre 2001). Traitant du même sujet au même moment, mon magazine favori, Elle, sans doute le plus fanatique parmi les féminins « haut de gamme » dans l’injonction à la maternité, produisait un article (« Sans enfants et contents de l’être », 10 septembre 2001) bien plus tendancieux, présentant les couples concernés comme des aigris immatures et intolérants qui ne supportaient pas le bruit et le désordre.

Histoire d’enfoncer le clou, un encadré répertoriait les propos les plus odieux (« âmes sensibles s’abstenir ! ») tenus à propos des enfants sur les forums Internet des associations de « childfree ». Bref, une vision des choses d’une hénaurme subtilité, et pas du tout idéologique. (...)

P.S.

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