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Edito
Respect du patient en France : il y a encore beaucoup de progrès à faire
Par "Loup"
Article du 24 août 2012

J’ai reçu récemment le témoignage suivant d’une internaute. Je le publie intégralement. Je précise qu’il n’est pas isolé, qu’il m’en arrive régulièrement, mais que celui-ci est particulièrement long et détaillé et synthétise un grand nombre de "problèmes" dans la prise en charge des personnes au sein de beaucoup d’hôpitaux français.

Martin Winckler (Dr Marc Zaffran)

J’ai été interpellée ces derniers temps par le débat autour de la blouse
impudique imposée aux patients à l’hôpital. Elle est en effet une symbolique forte du manque de dignité général infligé aux patients hospitalisés. Je profite ainsi de cette occasion pour vous parler de ma propre expérience (celle-là plus que les autres, je ne sais pourquoi, le cumul ?...), toute récente. Peut-être la publierez-vous sur votre blog, j’en serais heureuse si elle peut ainsi attirer l’attention.

On parle régulièrement de la violence aux urgences. Violence verbale, violence physique parfois. Je ne me ferai pas l’avocate du diable, je ne cautionne aucune violence, d’où qu’elle vienne. Mon éducation, profondément ancrée, m’a apprise qu’on n’insulte en aucun cas son interlocuteur, même si celui-ci est désagréable. Et bien entendu, on ne le frappe pas. Mais il est parfois des circonstances où le sentiment d’agression, de négation de soi, est si élevé qu’on est contraint d’abandonner le dialogue et de se soustraire à ses interlocuteurs, même s’il en va de sa propre sécurité. C’est ce qui m’est arrivé il y a une semaine.

J’ai été prise de violentes migraines plusieurs jours auparavant, accompagnées d’un épisode bref de paralysie partielle du côté gauche, de perte de la vision et de l’orthographe. J’ai eu très peur évidemment. Mes migraines ne cédant pas d’un pouce, je me rends chez mon médecin, quelques jours après l’épisode. Celle-ci m’assure qu’il me faut passer un scanner en urgence. Elle tente de me prendre un rendez-vous en ville mais impossible, rien avant le lundi et nous sommes jeudi. Je suis donc contrainte de me rendre aux urgences. Je connais malheureusement bien cet endroit. Mon asthme me sévère m’y conduit régulièrement et pas plus tard que trois semaines auparavant. Le personnel y est souvent très aimable et empathique et puis je sais ce qui m’attends. Quand il ne l’est pas, je passe "par dessus" et je prends mon mal en patience. Lorsque je conteste, c’est toujours avec le sourire. Je suis donc globalement une patiente silencieuse, relativement coopérative, sereine quand passe la crise.

Mais là, je vais vers l’inconnu. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. J’ai souvent des migraines, depuis mon traumatisme crânien il y a 5 ans mais pas si résistantes aux antalgiques, pas si douloureuses et jamais accompagnées de symptômes pareils. Et puis, je suis terrifiée par le scanner. Celui subi il y a 5 ans m’a laissé des traces terribles. Des sensations de vulnérabilité extrême, liées à ma vue défaillante à cause de mes pupilles dilatées par la chute, à mon immobilisation car mon poignet cassé me faisait trop souffrir pour bouger, à l’absence de mes proches à mes côtés etc... Après une très mauvaise nuit à ressasser, je me présente aux urgences le vendredi, accompagnée de mon ami, dont la présence m’est indispensable.

Dans le hall d’accueil, on veut immédiatement m’immobiliser sur un brancard, allongée. Je refuse. Mon bref épisode de paralysie date de lundi, je ne suis donc plus si urgente que cela. J’ai juste très mal à la tête et la position couchée m’est plus pénible qu’autre chose. Et puis, je ne veux surtout pas, surtout pas, perdre le contrôle, devenir ce paquet qu’on balade comme on veut, qu’on pose à un endroit jusqu’à ce qu’on décide quoi en faire. Je suis venue sur mes deux jambes, je tiens à le rester. Si j’avais obtenu un rendez-vous en ville, je serais assise sur une chaise à attendre mon tour.

Cela ne plaît pas du tout aux deux infirmières. C’est une question de procédure. Je dois m’allonger sur le brancard, c’est comme cela. Mon ami est agacé, il essaie de discuter, d’expliquer, ce que je me trouve incapable de faire, tellement j’ai peur, tellement tout cela m’angoisse. Un vague compromis est trouvé. Je peux rester assise, on relève le dossier au maximum. On me prend la tension dans le hall, devant tout le monde (c’est la procédure...), sans me donner le résultat. Je saisis que j’ai 36°8 de température, au vol, car ce n’est pas à moi que l’on s’adresse. On me fixe un bracelet au poignet. J’ai vraiment l’impression d’être une prisonnière, bien que je comprenne l’intérêt. Tout est dans la manière, simplement... Humanité, absence d’humanité...
Je m’assieds, en travers, les jambes pendantes. Cela ne convient pas. Il faut allonger mes jambes. Je sens l’angoisse qui monte encore un cran quand l’infirmière remonte les barreaux d’un côté. Suis-je en garde à vue ?

On m’emmène. Je perds ma capacité à me déplacer seule, promenée comme un gosse en poussette. Mon ami me suit. Une porte automatique s’ouvre. L’infirmière signifie à mon ami qu’il s’arrête ici, qu’il attendra dans la salle d’attente qu’on veuille bien lui donner de mes nouvelles. Je bondis littéralement du brancard. Je ne veux pas être séparée de lui. Si attente il y a, j’attendrai avec lui dans la fameuse salle d’attente. Evidemment, ça ne colle pas du tout avec la procédure ! L’infirmière est furieuse et la chef (cadre hospitalier) débarque, elle aussi manifestement très irritée.
Nous essuyons diverses réflexions : que nous pouvons bien supporter d’être séparés, que non, mon ami ne verra pas le médecin avec moi (comme s’il demandait là une chose d’une ineptie sans borne), qu’il ne peut pas rentrer car ce serait une atteinte à la dignité des autres patients...
Je ne peux pas non plus attendre dans la salle d’attente mon tour. Cela ne se fait pas. Point final.

Mon choix ? Soit j’obéis et tout rentre dans l’ordre, soit je pars, à mes risques et périls, contre décharge. Immédiatement, je dis que je signe la décharge. La chef est furieuse. Je pense qu’elle s’attendait à ce que la peur de mon état fasse de moi un mouton résigné.
Je suis vraiment en colère, mon ami aussi. Nous restons courtois néanmoins. Il le faut. Au delà de notre éducation, il y a aussi notre crédibilité. Et pourtant, j’ai une furieuse envie de crier mon mécontentement et ce que je pense de cette absence totale de respect des individus que nous sommes avant d’être des maladies, des objets à investiguer et à réparer.

Mon mal de tête est infernal à présent. Je n’ai même pas eu le temps d’expliquer ma peur, ma peur du scanner. Parce qu’il fallait d’abord se plier à la procédure. Qu’elle a primé sur l’humain...
Nous partons vers la clinique. Elle n’assure plus vraiment les urgences en tant que telles mais devant notre désarroi et à la lecture du mot du médecin, la secrétaire se démène pour moi. J’attends 40 minutes dans les bras de mon ami. Je suis terrifiée par le scanner. Mais l’équipe, si elle ne peut pas grand chose pour contrer ma phobie, m’entoure de son humanité, de sa bienveillance. Mon ami est associé pleinement à ce qu’on me fait. Sa présence me rassure, temporise mon angoisse.

A distance des événements, je suis décidément en colère. On m’a brandit la dignité des patients pour écarter mon ami. Mais où était donc passé la mienne, de dignité, infantilisée sur un brancard, au su et vu de toutes les personnes qui défilaient à l’accueil, où était passé la confidentialité à laquelle je pouvais m’attendre et qui a fait que je n’ai pas pu réellement évoquer mon ressenti (ai-je besoin de préciser qu’on ne m’a même pas interrogée sur mon état, on s’est contenté de lire la lettre de mon médecin) ?
On souhaitait en effet m’imposer à toute force une procédure dans mon "intérêt", procédure qui négligeait ma qualité d’individu avec son histoire, son vécu, ses peurs, alors qu’on n’a pas hésité à me "pousser dehors" puisque je refusais de me couler dans le moule. Où était donc passé ma sécurité ?

Je suis extrêmement perturbée depuis cet épisode. Je ne vois plus du tout accepter le moindre geste sans que l’on m’en ait expliqué les tenants et aboutissants et surtout, sans que l’on m’ait demandé mon accord.. Car chercher de l’aide ne signifie pas devenir un objet silencieux entre des mains supposées expertes... Plus pour moi en tout cas.
Le respect du patient ne passe pas seulement par une blouse décente, il passe à mon avis par une complète remise en question de l’attitude de certains soignants et des procédures dont certains ne savent pas sortir.

"Loup"

Quelques jours après cette lettre, j’en recevais une autre. Elle disait ceci :

"J’ai 25 ans, je suis enceinte de 8 mois (...).
J’allais aujourd’hui a une consultation pour la péridurale. Un jeune interne m’a reçue.
Après un entretien mené tambour battant, il a conclu la consultation en refusant le questionnaire que j’avais rempli chez moi et en me disant "Vous savez, la première chose que l’on apprend en médecine c’est de ne pas écouter le patient"."

Si certains internes se comportent ainsi, alors c’est que la formation des médecins en France est encore extrêmement problématique.
MW

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