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Pilule, cancer, tabac et âge des utilisatrices - quels sont les risques, exactement ?
par Marc Zaffran/Martin Winckler, d’après John Guillebaud
Article du 11 juin 2016

Il y a quelques jours, je twittais : « Les femmes qui veulent prendre la pilule oestro-progestative entre 35 et 50 ans doivent n’avoir jamais fumé ou cessé depuis l’âge de 25 ans. Je voulais dire : « Les femmes qui veulent prendre la pilule estro-progestative entre 35 et 50 ans sans augmenter leur risque cardiovasculaire… »

C’était clair dans ma tête, mais un peu trop sec et sybillin dans un tweet, alors je vais préciser exactement ce que ces risques signifient.

Je mentionne tout de suite que les informations qui suivent proviennent du livre de référence britannique, Contraception Your Questions Answered de John Guillebaud. Guillebaud est un expert comme on l’entend dans le monde anglo-saxon : c’est un scientifique qui a lu et synthétisé toutes les informations avérées sur le sujet de la contraception. Quand on ne connaît pas une réponse à une question, il dit « On ne sait pas ». Quand on la connaît, il dit comment on a trouvé cette réponse. Je le lis depuis plus de 15 ans et j’ai pu apprécier son souci de toujours nuancer les informations qu’il délivre, au fur et à mesure que les connaissances augmentent.

Mon tweet tentait de répondre à la question : « Une femme peut-elle sans danger prendre la pilule jusqu’à 50 ans ? » (Je parle, bien entendu, de femmes qui n’ont pas de contre-indication préalable à la pilule et qui l’ont prise sans problème depuis l’adolescence.)

Voici les réponses :

Pour les pilules et systèmes contenant seulement un progestatif (Microval, Cérazette et ses génériques, SIU Mirena, Implant Nexplanon), la réponse est OUI : ils peuvent être utilisés jusqu’à la ménopause, n’augmentent pas le risque d’accident thrombo-embolique (constitution d’un caillot dans une veine ou une artère) ni le risque de cancer du sein.

Pour les pilules combinées (contenant un estrogène), les risques connus sont les suivants :

A. Cancer du sein :

la prise d’estrogène au-delà de l’âge de 35 ans augmente le risque d’apparition d’un cancer après 50 ans ; non parce qu’elle « crée » des cancers (les premières cellules cancéreuses apparaissent trente ans avant une tumeur mesurable) mais parce que certains cancers du sein sont stimulés par les hormones sexuelles.

A quoi correspond cette augmentation de risque ? On l’a chiffré précisément.

Pour les utilisatrices qui l’ont prise jusqu’à 35 ans (et sont passées à une méthode sans estrogène après cet âge), le risque de cancer à 45 ans (11cancers /1000 femmes) est quasiment identique à celui des femmes qui n’ont jamais pris de pilule combinée. (10/1000)

Pour les utilisatrices qui prennent une pilule combinée jusqu’à 45 ans, on observe dix ans plus tard (à 55 ans), 26 cancers pour 1000 femmes ; chez les non-utilisatrices, on en compte 23 pour 1000 (3 de moins).

A noter cependant :

  chez les femmes ayant pris la pilule, les cancers découverts entre 45 et 55 ans sont moins étendus et moins avancés que chez celles qui ne l’ont pas prise ; on ignore pourquoi mais c’est une bonne nouvelle ;

  le risque de base n’est pas augmenté pour les femmes ayant des antécédents de cancer familial  ; autrement dit : l’utilisation de la pilule jusqu’à 35 ans n’est pas déconseillée si une femme de votre famille a eu un cancer précoce. Après 35 ans, en revanche, vous préfèrerez probablement passer à une contraception sans estrogène et, à partir de 40 ans, vous êtes en droit d’envisager une mammographie de temps à autre (même si ça n’a rien d’obligatoire, et même si l’absence de dépistage ne change rien à votre espérance de vie)

Conclusion : si cette augmentation du risque de cancer, même minime, vous préoccupe, cessez de prendre une pilule combinée à 35 ans et passez à une méthode sans estrogène (DIU au cuivre, Implant, SIU hormonal, pilules progestatives)

B. Accident thrombo-embolique (phlébite, embolie pulmonaire, accident vasculaire cérébral)  :

Ici, bien sûr, on suppose que les utilisatrices n’ont pas de trouble préalable de la coagulation qui contre-indique l’utilisation de la pilule.

Le risque d’accident vasculaire (toutes formes confondues) s’élève avec l’âge, qu’on prenne la pilule ou non, en raison du vieillissement naturel des vaisseaux sanguins.

Nombre d’accidents vasculaires sur 1 an pour 1 MILLION de femmes âgées de 20 à 34 ans :
Non-fumeuse, non utilisatrice de pilule : entre 50 et 80 par million et par an
Fumeuse, non utilisatrice de pilule : entre 70 et 127 par million et par an
Non-fumeuse, utilisatrice de pilule : entre 120 et 180 par million et par an
Fumeuse, utilisatrice de pilule : entre 154 et 260 par million et par an

Tous ces accidents ne se concluent pas par un décès.

Et, pour relativiser encore les risques :

En Angleterre, chaque année, pour 1 million de femmes, le risque de décès se monte à :

 6 décès dus à une pilule combinée (toutes générations confondues)
 30 décès par accident domestique
 60 décès dus à la grossesse
 80 décès par accident de la route
 1670 décès liés au tabac
En comparaison, on compte :
 10.000 décès par million de femmes et par an liés à la grossesse et à la naissance en Afrique rurale !

Donc, toutes choses étant égales par ailleurs, les risques de mourir en prenant la pilule sont peu élevés...
Cela étant, les risques « de vivre » ne sont pas du même ordre que les risques provoqués par une prise médicamenteuse, et il est légitime de vouloir réduire ces risques provoqués au maximum (ou du moins de ne pas les augmenter inutilement).

Alors pour en revenir à la prise de pilule estro-progestative (combinée) :

 Une femme qui n’a pas d’antécédent vasculaire familial ou de contre-indication peut la prendre sans augmentation particulière de ses risques après 35 ans jusqu’à l’âge de 50 ans si c’est ce qui lui convient le mieux.

 Quand une femme fume en prenant la pilule, il faut qu’elle sache que son risque de faire une phlébite, une embolie ou un infarctus est quatre fois fois plus élevé, à 45 ans, que pour une non-utilisatrice qui ne fume pas et deux fois plus élevé que pour une utilisatrice qui fume. (cf. tableau plus haut).

 Pour réduire ce risque et continuer à prendre la pilule jusqu’à 50 ans, il est indispensable de cesser de fumer.

 Pour les femmes qui ont cessé de fumer à 25 ans, le risque est encore plus faible, car les effets du tabac mettent 10 ans à disparaître tout à fait.

 Après 35 ans, quand on préfère continuer à fumer, il est préférable d’opter pour une contraception sans estrogène (pilule progestative, implant, DIU au cuivre, SIU hormonal).

Cela étant dit, je pense qu’une fois prévenues de ces risques, les femmes devraient être libres de faire les choix qu’elles veulent, puisque c’est elles qui les assument. Il n’appartient pas aux médecins de leur dire (ou de leur interdire) comment vivre leur vie.

Voilà, j’espère que cette fois-ci c’est clair.

Pour faire bonne mesure, je vous rappelle que le dosage du cholestérol chez une femme en bonne santé qui demande une contraception n’a aucune raison d’être.

Voici l’article où j’en parlais déjà... il y a dix ans.

Merci de votre attention
MZ/MW

Références : John Guillebaud, "Contraception your questions answered"
Ce livre est vivement recommandé aux professionnel.le.s de santé prescrivant une contraception. Il existe au format papier, électronique et pdf.

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